La loi Lurel est-elle vraiment du côté du consommateur ?

  C’est le titre d’un article paru du Guya Web. Et c’est une invitation à un nouveau jeu… pas forcément très marrant !

 

Changez les noms de la grande distribution et… vérifiez si ça colle pile poil avec ce qui va se passer chez nous !

 

Et si la loi Lurel « contre la vie chère » n’était pas aussi courageuse que ce que l’a publiquement laissé entendre le ministre des Outre-mer ?

 

Une loi de façade pour calmer les ultramarins qui grognent contre les prix aberrants pratiqués par les marchands mais qui ne bouscule pas en profondeur les GBH, Parfait, Huygues-Despointes, Ho-Hio-Hen, Jan Du.

 

La « cherté de la vie » dans les Outre-mer est un sujet qui fâche monsieur et madame tout le monde.

 

Avec des prix pratiqués « entre 30 et 50% plus chers que dans l’Hexagone », la loi de régulation économique ou loi Lurel entérinée le 20 novembre a été saluée par beaucoup comme une grande avancée législative face à des contextes marchands monopolistiques et de hausse incessante des prix.

 

Mais cette loi se donne-t-elle les moyens de répondre pleinement aux objectifs médiatisés ?

 

La frilosité de l’Etat français à permettre une dérogation aux régions ultramarines pour un approvisionnement auprès de leurs voisins met en évidence cette contradiction des moyens donnés pour lutter contre la vie chère.

 

Ce point sera d’ailleurs débattu ces mercredi et jeudi à l’occasion de la conférence de coopération régionale qui se tient à Cayenne.

 

Le guadeloupéen Elie Domota, porte-parole du LKP – Liyannaj Kont Pwofitasyon – jugeait pour sa part sur France Inter le 11 décembre,

que la loi Lurel « est une coquille vide car elle fait la part belle aux importateurs distributeurs, sans aucune restriction de l’autorité de la concurrence en Guadeloupe »,

son objectif était de « faire plaisir aux lobbys des importateurs distributeurs ».

 

Sentiment partagé par le parti socialiste guyanais qui déplorait ces derniers jours

« se trouver en présence d’une liste [ébauche d’un panier type susceptible de faire l’objet d’une baisse de prix de vente dans les commerces] calculée pour ne pas gêner les produits importés. Comme les poissons surgelés préparés, le fromage râpé, les pommes, poires etc. »

 

Aux « produits importés », la secrétaire générale Marie-José Lalsie, pointait du doigt « la présence sur la liste de produits inutiles et ayant sur la santé publique un effet néfaste maintes fois dénoncé, comme les confitures, confiseries, pâte chocolatée à tartiner, mayonnaise » ou encore le rhum et la bière, deux produits qui avaient soulevé l’ire du président de Région.

 

Les produits locaux seront-ils concernés ? 

 

Consultée par le préfet, la Chambre de commerce et d’industrie doit rendre d’ici deux jours sa position sur la liste des produits dits « de première nécessité ».

 

La Chambre qui justement décernait hier devant la presse, l’appellation « produit de Guyane » à sept entreprises, (Élevage de la Chaumière, Caraïbes Gouttières Guyane, Cosy Bay, Brasserie Jeune Gueule, Largen Restauration & Services, Aluver et Crédo SAS).

 

La Chambre consulaire est-elle favorable à ce que les produits fabriqués sur le territoire soient inclus dans la liste de première nécessité ?

Ce qui signifierait que le prix de vente des yaourts, jus, légumes, viandes … seraient revus à la baisse ?

 

 « Je ne vous cache pas que du point de vue interne des élus de la Chambre [dont certains sont producteurs dans l’agroalimentaire], il semblerait que l’on ne va pas tout à fait vers ça, car si vous mettez dans une liste administrée des produits locaux, ça risque de stopper la diffusion de ces produits par rapport à d’autres, ça risque de mettre les producteurs en difficulté ».

 

Mélina Goasduff, animatrice de la coopérative Bio Savanes est d’accord, « au niveau des agriculteurs, coopératives, ils ne baisseront pas leur marge, les prix de la viande n’ont pas augmenté depuis dix ans, ils ont même baissé pour certains comme le bovin ».

 

La concurrence de la viande bovine 

 

En 2010, « 311 tonnes de viande bovine locale ont été vendues contre 1 720  importées ».

Si demain le prix d’un steak d’importation – qui est déjà moins cher ou au même prix que celui produit localement – baisse encore ?

 

Les répercussions pourraient torpiller la production locale, les artisans, qui peinent déjà pour certains secteurs à exister face aux rayons des super, hyper et épiceries.

D’où la limite de cette loi Lurel qui vise les prix de détail et non les prix des importateurs-grossistes.

 

« On a déjà du mal à trouver des marchés …» soupire l’animatrice de la coopérative Bio Savanes qui pointe du doigt l’impossibilité pour les éleveurs de rivaliser avec l’importation.

 

« On ne peut pas faire de la découpe de la viande, on est bloqués parce que la Région a un atelier de découpe quasi neuf [à l’abattoir de Dégrad-des-Cannes] qui pourrait être utilisé depuis des années, il y a les machines pour mettre sous vide, il y a tout ce qu’il faut … mais il n’est pas mis à disposition, donc il ne tourne pas.

Depuis 2007-2008 on réclame une mise à disposition de cet atelier de découpe » !

 

Lors de la discussion générale à l’Assemblée nationale, le 9 octobre 2012, la députée et agricultrice Chantal Berthelot demandait à « aller plus loin ».

 

« Ce projet de loi de régulation économique, s’agissant des prix, mais aussi des marges sur les ventes de produits et de services (…) doit néanmoins être renforcé » se plaçait-elle.

 

La députée réclamait une meilleure transparence, « Je suis fortement pour rendre obligatoire la communication des coûts d’itinérance des produits, ainsi que l’étendue des marges pratiquées par les distributeurs sur les produits de première nécessité ».

 

Ne pas brusquer 

 

Le sénateur Georges Patient le concède,

« c’est une première étape, d’ailleurs il [Victorin Lurel] le dit mais qu’après elle [la loi] sera suivie par d’autres dispositifs, la loi est enrichie à l’Assemblée…

Nous avions présenté différents amendements, ils ont été rejetés, le ministre nous a laissé entendre qu’il s’agissait d’une première étape ».

 

Le martiniquais Michel Branchi, économiste et ex-Commissaire de la Concurrence et de la Consommation est moins conciliant.

 

« Le projet ne se donne pas les moyens juridiques suffisants de rendre effectives les louables intentions qu’il affiche en matière de contrôle des marchés de gros et de la chaine logistique, y compris le fret, d’interdiction des exclusivités, de contrôle de la création de grandes surfaces, de concentration excessive dans la distribution et de démolition des positions dominantes existantes.

Les lobbys patronaux pourront, comme ils le font déjà, paralyser l’action de l’Autorité de la concurrence par du contentieux juridique dilatoire ».

 

Aux outils juridiques cruellement absents, cette loi laisse entrevoir une mise en œuvre compliquée et longue, en matière de lutte contre les oligopoles et les marges commerciales abusives « souvent supérieures à 40 % » selon l’avis rendu en septembre 2009 par l’Autorité de la concurrence.

 

La baisse du prix de « 100 produits types » vendus dans les commerces n’est pas une fin en soi, si la loi Lurel se résume à cela, elle aura tout l’air d’un joli soufflé au fromage. »

 

Allez, avec un peu d’avance, joyeux noël !

 

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