Logement social : vers la suppression de la défiscalisation ?

 

   Comme chaque année, la cour des comptes publie son rapport annuel.

Et bien sûr, il fallait s’y attendre, il est question de défiscalisation.

 

Le président de la Cour des Comptes, dans son intervention, a tenu à évoquer la question des défiscalisations Girardin.

Voilà ce qu’il en dit :

« Le recours aux défiscalisations constitue, depuis de nombreuses années, une des voies privilégiées d’intervention de l’État en outre-mer.

Au lieu d’investir directement, l’Etat accorde une réduction d’impôt à un particulier ou une entreprise qui en tire un bénéfice fiscal.

La Cour adresse de très sévères critiques à ce dispositif.

 

En premier lieu, les résultats ne sont pas à la mesure des moyens engagés.

Pour les investissements productifs, environ seulement 60% des réductions d’impôt reviennent aux entreprises d’outre-mer, et 40% bénéficient aux seuls contribuables investisseurs, alors qu’ils ne courent presqu’aucun risque.

 

En deuxième lieu, par la complexité de ces dispositions dérogatoires, et l’absence d’agrément pour la majorité d’entre elles, les risques de fraudes sont élevés.

En effet, celles-ci sont difficiles à déceler et requièrent des moyens administratifs importants pour les réprimer, là encore source de coûts pour l’État .

 

En troisième lieu, les effets sont souvent contraires à ceux recherchés.

L’État s’en remet aux choix d’investissements des contribuables qui ne répondent pas toujours à l’intérêt économique des territoires d’outre-mer.

Ainsi, des logements ne répondant pas aux besoins de la population, des surcapacités hôtelières, des flottes inutilisées de bateaux de plaisance ont été relevés.

Le coût de ces niches a quasiment doublé de 2005 à 2010, passant de 0,7 à 1,2 milliard d’euros.

 

Pour toutes ces raisons, et dans le contexte très dégradé de nos finances publiques, la Cour préconise de supprimer les défiscalisations Girardin.

Si le gouvernement estime nécessaire de soutenir l’investissement productif et le logement social outre-mer, d’autres modes d’intervention, moins coûteux pour le budget de l’Etat, doivent être recherchés ».

 

Un énième constat

 

À maintes reprises, il a été dit et écrit ceci, dans des termes quasi similaires :

«aucune des tentatives d’évaluation n’a pu conclure à l’efficacité, en revanche plusieurs ont montré des effets contraires aux résultats recherchés».

 

Autre point soulevé :  l’absence de tout contrôle de la part de l’État, tant dans ce qui a été fait que les projets destinés à être financés par ce biais, certaines opérations ne nécessitent tout simplement pas d’agrément des services publics.

 

Avec cette fois, une petite variante : « La difficulté de contrôler les opérations tient à la complexité des opérations mais aussi au fait que  l’investissement outre-mer est un sujet sensible, politiquement et socialement ».

 

Un mécanisme bien huilé

 

Ainsi, depuis 2005 (sous Chirac) jusqu’en 2010 (sous Sarkozy), ce système de défiscalisation outre-mer « particulièrement attractif » a attiré des bénéficiaires « en augmentation croissante » et « essentiellement des personnes très riches, bien conseillées par de lucratifs cabinets ad hoc ».

 

Lesquels vont à la chasse aux riches contribuables de métropole afin de leur proposer une solution miracle : déduire de leur impôt 50%, voire 60% ou 70% dans des investissements productifs ou immobiliers en outre-mer.

 

Le système fonctionne non par rapport à des besoins réels de l’outre-mer, mais pour des avantages certains des investisseurs privés, et bien évidemment de toutes les officines spécialistes de la défiscalisation qui se sont installées, empochant au passage des fortes commissions.

 

Quant aux coups de rabot successifs, ils n’ont pas été de nature à modifier le caractère attractif de cette niche fiscale.

 

Les autres dispositifs : tout aussi inefficaces !

 

Un autre point de ce rapport de la Cour des comptes, est savoureux : la Cour des comptes  « appelle à une meilleure répartition dans les territoires de  la programmation des logements sociaux », jugeant « insuffisante la concentration  des moyens sur les régions aux plus gros besoins ».

 

Il s’agit notamment de l’Ile-de-France ou de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

La Cour explique :

« La politique de concentration des financements sur les zones les plus  tendues, mise en œuvre  de façon effective depuis 2010, s’appuie sur des  instruments inadaptés, parfois même contre-productifs, et ses résultats sont, à  ce jour, modestes ».

 

Ce qui ne va pas s’arranger car la Cour souligne :

« Dans un contexte de raréfaction de la ressource publique, l’annonce, par les pouvoirs publics, de la suppression des aides fiscales à l’investissement locatif privé à la fin de 2012 ne peut que renforcer la nécessité d’une réflexion nouvelle sur les priorités géographiques afin d’orienter le soutien de l’action publique en faveur du logement social vers les zones dans lesquelles les besoins sont les plus importants ».

 

Défisc’ versus dotations

 

Toujours est-il des pistes ont déjà été proposées pour les ultramarins.

Pas plus tard que lors de la discussion du projet de loi de finances pour l’outre-mer.

 

En effet, des parlementaires avaient déposé un amendement demandant  «au gouvernement de réaliser,  avant le dépôt du projet de loi pour 2013, un rapport étudiant l’opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales ».

Une possibilité qui avait également été reprise par l’Inspection générale des finances dans un récent rapport.

 

Le logement social est donc une question qui est loin d’être résolue.

Voilà donc un chantier auquel le Président de la République, issu du scrutin de mai, devra s’atteler.

 

Et tout spécifiquement outre-mer.

 

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1 Commentaire sur

Logement social : vers la suppression de la défiscalisation ?

  • jean-JacquesNo Gravatar |

    la défisc est une injustice fiscale dans le sens ou elle rapporte plus aux investisseurs qu’au tissu économique réunionnais, la supprimer irait donc dans un sens de plus d’équité
    a condition toutefois que sa transformation en dotation soit réelle et sur du long terme, l’Igf,l’inspection générale des finances et les parlementaires le souhaitent il manque un engagement ferme du gouvernement – enfin, du prochain chef d’état – pour que cela devienne envisageable

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