Social- Grèce, Espagne, Angleterre, et après… la France continentale ? L’Outremer ? La Réunion ?

  Jeanne Dussueil, journaliste à  Challenges a demandé à Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherche au CNRS, si les événements de contestation en Angleterre pouvaient se dérouler en France.

Réponse : c’est très probable.

 

En premier lieu, le sociologue fait le rapprochement avec ce qui s’est passé en France en 2005 :

 

«Dans ces révoltes des villes d’Angleterre, on peut relever trois points communs avec les évènements de ces dernières années en France.

D’abord, comme en France, les émeutes de Londres ont démarré à la suite de la mort d’un habitant des quartiers, après une opération de police.

Vient ensuite le déni des politiques, mais aussi des médias, de ne pas vouloir voir au-delà de la violence.

Ces révoltés, comme en 2005, sont en effet stigmatisés et deviennent immédiatement des délinquants.

Enfin, là-bas aussi, les émeutiers sont des jeunes, parce que ce sont eux qui ont le moins à perdre.

C’est sur eux que s’est accumulé « l’effet cocotte-minute », car il y a ceux qui sont dans la rue, mais il y a aussi les mécontents qui les encouragent depuis leurs fenêtres. »

 

Autre similitude entre les événements britanniques et français : la réaction du pouvoir.

 

«Malheureusement, David Cameron a une réaction similaire à celle de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur en 2005.

Comme lui, le ministre britannique occupe le terrain médiatique dans une logique policière ».

 

L’embrasement était prévisible 

 

Et à la question de savoir si le mouvement peut toucher la France, la réponse est nette :

 

«Oui, car il y a un terrain commun.

Dans ces pays, les jeunes ont le sentiment que les choses ne vont pas s’arranger pour eux, c’est la génération ‘No Futur’.

C’est une nouvelle forme de misère : la galère, pas de perspective d’avenir, et enfin la rage.

En France, on fait valoir le modèle d’intégration républicain, pourtant loin d’être plus efficace que les autres.

Sur le plan économique et social, les conditions de base à de nouvelles émeutes en France sont réunies.

Le ralentissement économique est même plus marqué aujourd’hui qu’en 2005.

Par ailleurs, les émeutes ne se sont jamais arrêtées depuis.

Les changements sont surtout intervenus sur les stratégies de maintien de l’ordre, et, dans une moindre mesure, sur la politique de rénovation urbaine ».

 

Un événement à rappeler : en janvier, la presse nationale française s’était émue du taux de chômage des jeunes en Angleterre (voir l’article du 20 janvier).

 

Le premier ministre David Cameron, conservateur, a mis en place une politique d’austérité qui devrait entraîner la disparition de 330.000 emplois publics sur 4 ans.

 

Sans compter qu’au-delà du plan d’austérité, il y a la hausse du coût des inscriptions à l’université, le démantèlement du système de santé…

 

Mêmes causes, mêmes conséquences ? 

 

Il y a donc à La Réunion tous les ferments pouvant mener à des événements similaires à ceux qui se déroulent en Grande-Bretagne : la misère, la galère, pas d’avenir… et la rage.

 

Une rage pour l’instant exprimée « Réunionnais contre Réunionnais » (les pages de faits divers sont, à ce titre, très révélatrices).

 

Malgré les affirmations de l’IEDOM  – qui voit une reprise économique outre-mer sauf en Calédonie -, on voit bien que la situation se dégrade quotidiennement.

 

La France subit l’austérité. Et ce n’est pas fini, Sarkozy ayant « écourté ses vacances » pour mener une réunion de crise.

 

S’il s’agit de « réduire le déficit », il s’agit aussi d’affirmer un activisme certain pour éviter que les agences de notation nous privent de ce fameux « AAA ».

 

Le gouvernement va raboter les « niches fiscales ».

Inévitablement l’outre-mer sera concerné.

La seule question est de savoir à quel niveau.

 

Les mesures déjà prises pour réduire ce déficit vont à l’encontre des populations les plus fragiles,  des jeunes et des sans emploi.

Rien ne permet d’affirmer maintenant que l’UNEDIC ne va pas être dans l’obligation de modifier son système d’indemnisation.

 

Les comptes de la Sécu sont dans le rouge : suppression de certains remboursements de médicaments ou de soins, ou minoration du montant.

 

Les indicateurs au rouge 

 

Le gouvernement a déjà annoncé la suppression de postes dans le secteur public : hôpital et éducation notamment.

Les prix s’envolent, notamment ceux des produits alimentaires et des services. 

Aucune structure n’est en mesure de stopper la spéculation sur les céréales ou autres produits…

 

Quant à la politique de rénovation urbaine, parlons-en : pour les années 2011 / 2013, l’UMP a décidé de baisser de 20% les crédits de politique de la ville.

 

Ainsi, vont être concernées : les opérations de prévention de la délinquance, les plans de réussite éducative, les actions d’insertion dans la vie active, etc.

 

Au total, 2.400 quartiers sensibles français vont payer la rançon de la rigueur budgétaire : par le jeu des réorientations de crédits, ces baisses pourront aller jusqu’à 40%.

 

Si l’analyse de Muchielli est bonne, la France peut s’embraser.

Tout comme La Réunion.

 

Et ce ne sera pas le « POP » (plan ordinateur portable) ou la « com » de la Région qui va « restaurer l’espoir ».

 

Même le BIT (bureau international du travail) avait tiré la sonnette d’alarme dans un rapport en octobre 2010 : il laissait entrevoir la forte possibilité d’une crise sociale majeure, liée à une reprise plus lente que prévu (2015 au lieu de 2013)

 

Ne nous leurrons pas : il ne s’agit pas de faire du catastrophisme, seulement de faire preuve de réalisme.

 

Et la question n’est pas de savoir comment on en est arrivés là, mais comment s’en sortir.

Mais cela ne semble pas préoccuper certains élu(e)s.

 

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2 Commentaires sur

Social- Grèce, Espagne, Angleterre, et après… la France continentale ? L’Outremer ? La Réunion ?

  • EricNo Gravatar |

    Effectivement, il y a lieu de s’inquiéter
    et il y a surtout urgence à trouver des réponses, car le gouvernement ne va pas nous prendre en compte, il va tailler là où ça lui rapporte le plus (et pas seulement financièrement, mais politiquement surtout)
    comme vous le dites, cette crise ne semble pas être la préoccupation majeure de certains élus. Ni à l’UMP ni au PS (à La Réunion)

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    ce que l’on appelait jusque là la « petite délinquance » est en hausse, je ne sais pas s’il y a des chiffres, mais entre les vols de poubelles, les effractions dans les voitures (et dans les kaz) tout cela commence à faire craindre pour l’avenir. ces mésaventures sont arrivées à mes voisins (des retraités) et les propos tenus ne vont pas participer à calmer la situation. qui est de plus en plus tendue ; non seulement les gens ont peur pour leur épargne mais aussi commencent à montre des signes d’agacement vis à vis des autres, surtout des plus jeunes, des chômeurs… le climat social commencerait-il a se dégrader sérieusement?

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