Crise sociale – Contre la déconstruction du pacte social, investissons dans l’humain !

 

   C’est un article paru dans la rubique « Point de vue du journal « Le Monde »daté  du 22.09.11.

Il est signé  Christophe Deltombe, président d’Emmaüs France. Passionnante invitation à ne pas baisser les bras.

 

En période de crise les politiques sociales souffrent.

Et cela parce que, selon les indicateurs de richesse habituellement utilisés, améliorer les conditions de vie des plus pauvres est considéré comme improductif et donc trop coûteux !

 

Trop souvent, c’est en effet au détriment des plus démunis que les mesures d’économie sont réalisées.

Et pourtant,investir dans des politiques de justice sociale et d’égalité préserverait le pacte social qui est au fondement de toute société.

 

Aujourd’hui, les politiques économiques et sociales se résument à des politiques du chiffre.

C’est l’obsession de l’évaluation et du résultat quantifiable au risque d’effets pervers pourtant aisément constatés.

 

Un exemple parmi tant d’autres : en demandant aux structures d’insertion d’atteindre certains taux de retour à l’emploi – condition posée pour le maintien des aides financières dont elles bénéficient – on les incite à recruter des personnes facilement « ré-insérables » au détriment des plus éloignées de l’emploi.

Ainsi ce sont les plus pauvres, les plus exclus qui payent le prix d’un « productivisme social » à courte vue.

 

Ce sont encore les plus faibles qui paient aujourd’hui le prix de politiques

parfois populistes (chasse aux sans-papiers acharnée et jusque dans nos communautés qui accueillent des populations en grande fragilité),

parfois démagogiques (travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA, culpabilisation des bénéficiaires des dispositifs d’assistance),

souvent désespérantes pour les plus démunis (fermeture des centres d’hébergement à la fin de l’hiver, suppression de la prime de 500 euros pour les chômeurs non indemnisés et de la prime à l’embauche des stagiaires, diminution de l’indemnité de fin de droit des chômeurs en formation, etc).

 

Cette mise en danger récurrente du pacte social au détriment des plus démunis des sans voix, des oubliés est inacceptable.

À force de faire peser sur ces populations la charge d’une crise dont elles ne sont pas responsables, de les culpabiliser, de les humilier, on arrive à des situations de désespérance, à un sentiment d’abandon majeur et à la recherche d’exécutoires dans la violence et la délinquance.

 

Notre société est au bord de l’explosion et 2012 doit être l’année du changement.

Il est temps de prendre à bras le corps le problème de l’exclusion qui mine notre société.  

 

Regardons en face les difficultés des hommes et des femmes qui se retrouvent marginalisés, devenus invisibles à la société, placés hors système !

 

D’autres voies, d’autres modèles sont possibles.

C’est le pari que le mouvement Emmaüs a fait depuis soixante ans en démontrant jour après jour, que chacun peut trouver sa place dans un système fondé sur la dignité des personnes et l’efficacité d’un modèle économique innovant, respectueux de l’environnement :

en créant des communautés de personnes accueillies de manière inconditionnelle et sans limitation de durée,

en mettant sur pied des structures d’insertion pour les plus démunis en tentant de les accompagner au-delà de la durée des contrats aidés,

en ouvrant des accueils de jour, de nuit et d’urgence pour combattre d’abord l’isolement,

en proposant des solutions innovantes et solidaires contre le mal-endettement et toutes les formes de mal-logement.

 

Aujourd’hui donc, le Mouvement Emmaüs poursuit son appel à la résistance initié en juin et lance son programme de mobilisation pour les présidentielles.

Parce l’heure des choix et des arbitrages est arrivée.

 

Les candidats aux élections devront impérativement s’engager clairement en faveur d’un modèle de société plus juste, d’une véritable politique de lutte contre l’exclusion et pour une économie plus solidaire !

 

Augmenter significativement le nombre de contrats d’insertion pour aider la reprise du travail par des personnes très éloignées de l’emploi,

promouvoir l’économie solidaire,

accompagner les sans domicile dans leur retour à une vie sociale,

permettre aux jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance ou aux sortants de prison de trouver leur place dans la société

seraient autant d’investissements dans l’avenir de ces hommes et femmes qui retrouveraient une autonomie économique en même temps qu’une dignité.

 

Investir dans l’humain est une absolue nécessité.

Non seulement pour éviter les catastrophes individuelles et collectives qui se profilent, mais aussi pour reconstruire notre pacte social. Persévérer dans la voie actuelle serait intolérable ! S’engager en 2012 est indispensable !

 

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3 Commentaires sur

Crise sociale – Contre la déconstruction du pacte social, investissons dans l’humain !

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    tout à fait d’accord
    et le rapport publié par Emmanüs il y a quelques semaines montre une photographie de la France loin, très lon, très très loin de celle voulue par Sarko

  • ArsinoéNo Gravatar |

    a lire aussi

    La fondation Abbé Pierre et Emmaüs lancent une «grande mobilisation générale pour le logement»

    http://www.maire-info.com/article.asp?param=14089&PARAM2=PLUS

  • GeorgesNo Gravatar |

    On ne peut qu’être d’accord avec ce que dit le président d’Emmaüs France mais Emmaüs devrait d’abord s’imposer à lui-même ce qu’il exige des autres à savoir plus de cohérence entre ses beaux discours, ses valeurs et … ses pratiques.
    Emmaüs doit d’abord rendre justice à ses compagnons en les traitant comme des citoyens à part entière, en arrêtant de tolérer qu’ils soient exclus des communautés comme des malpropres, sans préavis, ni recours, ni droit de défense.
    http://www.facebook.com/group.php?gid=307685521901

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