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2011
Le projet socialiste et les outremers ( 8/30 ) – Le maintien de l’octroi de mer
Catégorie : OUTRE MERS, Présidentielles 2012
Dans le prolongement des articles consacrés au projet global, voici la présentation des propositions socialistes pour l’outre-mer.
Il appartient aux responsables politiques réunionnais d’envisager de marquer d’une empreinte réunionnaise ce projet présidentiel de 2012. Dès lors, il est ouvert à toute discussion.
La 8e proposition socialiste est celle-ci :
« Ériger au rang des priorités françaises en matière communautaire la reconduction du régime actuel de l’octroi de mer en 2014 ».
C’est sans aucun doute la proposition la plus consensuelle. Du côté de l’UMP également, on souhaite le maintien de l’octroi de mer.
L’octroi de mer est un outil important de la politique régionale. En effet, il répond à deux attentes :
– d’une part, appuyer le développement économique de l’île ;
– d’autre part, permettre le fonctionnement des collectivités locales, dans un principe d’autonomie fiscale.
Cet octroi de mer a souvent été attaqué.
Notamment par les pays ACP (Afrique Caraïbes, Pacifique), notamment lors de la discussion des APE (accords de partenariat économique).
Unanimement, l’outre-mer avait intercédé auprès du gouvernement afin qu’il intervienne auprès de la Commission et du Conseil européen.
L’objectif étant de maintenir le dispositif et de n’accepter aucune concession.
Il avait également été mis en cause par certaines associations réunionnaises qui estimaient qu’une suppression pure et simple du dispositif allait, obligatoirement, permettre une baisse des prix.
Ce qui est faux.
En effet, dans la composition d’un prix de vente, sont intégrés plusieurs éléments.
Et l’un des éléments constituants du prix, mais ce n’est pas le seul, loin de là, c’est la fiscalité.
D’autres composantes sont également à prendre en compte : le fret, les marges dégagées par les uns ou par les autres, au fil du parcours du produit.
Le chapitre de la fiscalité est composé à La Réunion de deux éléments : l’octroi de mer et la TVA.
Jusqu’à mars 2010, la Région a appliqué un taux d’octroi de mer à zéro pour les produits de première nécessité (riz, lait, pain, morue séchée, …).
Ainsi, la diminution ou la suppression de l’octroi de mer sur certains produits non seulement ne permettra pas de faire baisser ceux-ci, mais, en plus cela aura un impact sur l’économie réunionnaise et se traduira par la baisse de l’activité et la disparition d’emplois.
OCTROI DE MER ET TVA
L’autre levier fiscal, c’est la TVA, mais ce n’est pas de la compétence d’une quelconque collectivité ultramarine, mais du gouvernement.
En l’état actuel, malgré leur coût, les produits achetés à La Réunion sont moins imposés que des produits achetés en France :
17% de fiscalité à La Réunion et 19,6% en France métropolitaine.
Le taux de TVA est plus faible à La Réunion, justement à cause de la présence de l’octroi de mer.
Mais si l’on supprime l’octroi de mer, rien n’indique que l’Etat ne va pas augmenter le taux de TVA et le mettre à 19,6%, comme c’est le cas pour la très grande majorité des produits en France.
Les produits vendus à La Réunion supporteraient donc alors une fiscalité de 19,6% et pas de 17% comme aujourd’hui. En clair, ils pourraient être plus chers…
On ne peut pas supprimer un dispositif sans proposer, préalablement, une solution de remplacement.
C’est dans ce contexte que devront se poursuivre les négociations avec Bruxelles, pour maintenir ce dispositif, celui-ci étant menacé de disparition en 2014. Fin 2009, le gouvernement français a remis un rapport à la Commission Européenne.
POUR LA PÉRENNISATION DU DISPOSITIF
Le député européen Elie Hoarau, rapporteur de la commission chargée de la révision de l’Octroi de mer (et par ailleurs, sur le Programme opérationnel spécifique à l’éloignement et à l’insularité pour l’agriculture dans les RUP), a présenté son rapport il y a quelques semaines, au Parlement européen.
Le député réunionnais demandait la pérennisation du dispositif pour que
« tous les dix ans l’ensemble des acteurs économiques et politiques des RUP ne se retrouvent pas dans l’incertitude et sous le couperet du non report de l’arrêt d’une mesure qui serait synonyme pour eux de désastre économique et social ».
Depuis quelques années, l’Europe durcit sa position, en exigeant des listes plus limitatives de produits exonérés et un encadrement plus strict des modulations de taux.
Des économistes et directeurs de services de douanes ont également souligné qu’aucun élément probant ne permettait de conclure au caractère inflationniste de l’octroi de mer et que, par conséquent, le maintien du régime actuel paraissait la solution la plus pertinente.
Gérard Bailly, délégué général d’EURODOM, interrogé par les sénateurs, estimait que la prorogation de ce régime par l’Union européenne dépendait avant tout de la volonté de la France de défendre un tel régime, et devait se déclarer davantage préoccupé par les critiques formulées dans notre pays à l’encontre de l’octroi de mer, notamment au sein du ministère de l’économie et des finances, jugeant que le choix sur la prorogation ou non de ce régime serait avant tout un débat national.
C’est dans ce cadre qu’intervient cette proposition socialiste, très largement partagée.
comme vous l’écrivez: la proposition la plus consensuelle. tout le monde souhaite le maintien du dispositif. reste à espérer que le rapport de force entre la France d’un côté et l’Europe ou les pays ACP de l’autre soit toujours favorable. Possible, si le gouvernement – socialiste ou autre – reste ferme sur ses positions
Les arguments en faveur de l’octroi de mer sont bien connus, comme d’ailleurs aussi les critiques à l’encontre de cette disposition fiscale très ancienne, parfois même qualifiée de « dinosaure ».
D’une manière plus globale, plusieurs textes d’importance majeure pour l’Outre-Mer seront prochainement à l’ordre du jour du calendrier européen: révision de l’octroi de mer certes, mais aussi nouvelle stratégie pour les RUP et révision du régime d’association des PTOM à l’UE…D’autres politiques transversales auront un impact sur ces territoires: révision de la politique de cohésion, révision des perspectives financières et multiplication des accords de libre-échange…
Alors que le traité prévoit et légitime, dans son article 349, une politique dérogatoire en faveur des outre-mer du fait de leurs handicaps, il semble évident que l’UE a fait le choix de gommer peu à peu les différences de traitement et les « avantages » dont bénéficiaient ces régions et cela au nom de la libéralisation des échanges, des restrictions budgétaires et des changements de priorités vers d’autres partenaires dans le monde.
En tout état de cause, on peut douter de la détermination de la Commission de mettre en danger la coopération et les négociations avec les pays ACP pour protéger « quelques territoires ».
Concernant l’octroi de mer, le gouvernement français parviendra-t’il à convaincre la Commission de le maintenir et surtout de le pérenniser ? Espérons-le.
Néanmoins,il faut comprendre que l’égalisation des statuts est un processus en marche, sous la pression du commerce international. Dans ce contexte, des dispositions positives et constructives devront être prises au niveau européen pour protéger l’économie et la cohésion sociale des outre-mer.
Plus généralement, c’est bien le travail d’influence et de structuration politique des ultra-marins qui pourra influer sur les prochaines réformes. Les ultra-marins de France, d’Espagne et du Portugal doivent s’unir et définir de nouvelles alliances dans le cadre d’une Europe à 27. Le respect des dispositions des traités en faveur des Outre-Mer se fonde en effet sur un principe de solidarité au coeur du projet européen.