Le Blog de Pierre VERGÈS

   Comme je l’ai fait pour le programme « national » du Parti socialiste, puis le programme socialiste pour les outremers, je poursuis l’analyse des projets des candidats à l’élection présidentielle en abordant aujourd’hui, le programme du Front de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon, candidat également du Parti Communiste Français.

Ce premier volet comporte une présentation des principes dans lequel s’inscrit Le programme intitulé : « L’égalité réelle pour les outremers ».

1°- « La République compte 2,6 millions d’habitants outre-mer. La notion d’outre-mer recouvrant une très grande diversité de situations géographiques et culturelles, il convient plutôt de parler des outremers.

Grâce à ces territoires, la France est désormais le seul Etat au monde à être présent sur 4 continents et dans tous les océans du globe, ce qui lui confère le 2e  domaine maritime mondial, avec 11 millions de kilomètres carrés, et le 1er  domaine maritime au monde pour sa biodiversité.

Cette présence donne à la République une responsabilité particulière tant pour le progrès humain des populations d’outre-mer que pour la préservation d’espaces naturels vitaux pour l’humanité toute entière ».

Remarque : il est fort regrettable que ce soit la présence de la France dans tous les océans qui soit à l’origine de la « responsabilité particulière » de la République envers l’outre-mer. La formulation est a minima maladroite.

2°- « La révolution citoyenne devra enfin donner aux outremers les moyens de leur progrès réel, pour que ceux-ci deviennent aussi des leviers des alternatives internationales que nous défendons notamment en matière commerciale et écologique ».

Remarque : C’est direct : « révolution citoyenne » ! Encore faut-il que cela ne soit pas qu’un vœu pieu !

Un « progrès réel » ? Idée intéressante, qui pourrait s’apparenter à quelque chose comme l’IDH (indice de développement humain), le « progrès humain » défini au paragraphe précédent.

La notion de « leviers » peut être intéressante, à condition toutefois qu’elle repose sur du concret, des actions permettant tant à la France qu’à l’outre-mer de se poser réellement en « alternatives internationales ».

3°- « En dépit des promesses d’égalité, liées notamment à la départementalisation là où elle a été acquise, les outremers subissent un véritable apartheid social et sont victimes d’un mal développement structurel.  Celui-ci est notamment le résultat de l’accaparement des moyens de production par quelques familles rentières et de la dépendance économique vis à vis de la métropole ».

Remarque : enfin le vrai cadre est posé : celui des richesses et de leur partage et des relations quasi exclusives entre l’outre-mer et la France.

Dommage, en revanche que l’on ait employé le mot « promesses » vis à vis de celui de « départementalisation ».

Certes, il est évident qu’il est fait là allusion aux politiques menées jusqu’ici, mais sur le fond, l’accès au statut de département français confère obligatoirement les mêmes droits entre tous les départements.

De façon théorique, bien sûr. Dans la pratique, ce n’est pas le cas. Cette formulation serait-elle une façon détournée de dire que le « modèle de la départementalisation », outre-mer, est caduque ?

4°- « Les outre-mers sont victimes de la transposition d’un modèle de développement de type continental et du manque d’échanges régionaux coopératifs.Ce mal développement s’accompagne aussi d’une dégradation dangereuse d’un potentiel naturel remarquable et d’un engorgement routier dramatique de plusieurs territoires, faute de transports collectifs adaptés ».

Remarque : Le Front de gauche jette bel et bien les bases pour un nouveau mode de développement, tournant le dos au modèle actuel, en ouvrant des perspectives (l’ouverture à l’international et l’inscription dans l’environnement géographique).

Le document étant synthétique, le raccourci entre économie / biodiversité / transports est assez surprenant !

5°- « La plupart des outre-mers sont marqués par la précarité, la pauvreté et des inégalités encore plus béantes qu’en métropole : entre 25% et 30% de la population au chômage, taux de pauvreté au-delà de 50% si l’on se réfère au seuil de pauvreté national, près d’un habitant sur deux relevant de la Couverture Maladie Universelle, un illettrisme récurrent… ».

Remarque : inégalités entre Français et ultramarins, inégalités entre chaque collectivité d’outre-mer et inégalités au sein même de chaque collectivité ultramarine. Le constat a été posé plus haut.

6°- « La dépendance vis à vis de la métropole se traduit par des  importations considérables et la fragilité des productions locales, des transferts financiers publics importants mais inégalement répartis entre la population, une forte dépendance énergétique notamment par rapport aux énergies fossiles importées ».

Remarque : la fragilité des productions locales n’est pas une conséquence de la dépendance vis à vis de la métropole sur le plan économique, mais relève de l’insularité, de l’étroitesse du marché… et d’un cadre réglementaire et législatif restrictif !

7°- « Le désengagement de l’Etat impulsé par la droite dans tous les domaines aggrave encore cette situation sociale dramatique outre-mer. L’abandon des populations d’outre-mer a conduit celles-ci à des révoltes sociales historiques sous la forme de grèves générales et de mise en place de collectifs unitaires relayant les aspirations du grand nombre, en particulier aux Antilles et à La Réunion ».

Remarque : Et voilà : c’est l’abandon des populations ultramarines par la France qui a motivé celles-ci pour des mobilisations sans précédent…

Serait-ce une façon très alambiquée de dire que les ultramarins ne sont pas encore mûrs pour une vraie « révolution », menée parce qu’ils sont convaincus qu’il faut faire autre chose et autrement ?