Le Blog de Pierre VERGÈS

Comme je l’ai fait pour le programme « national » du Parti socialiste, puis le programme socialiste pour les outremers, je poursuis l’analyse des projets des candidats à l’élection présidentielle en abordant aujourd’hui, le programme du Front de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon, candidat également du Parti Communiste Français.

Le deuxième volet de l’axe « Faire reculer les inégalités et éradiquer la pauvreté outre-mer » comporte plusieurs sous-propositions, regroupées sous le terme générique : « Plan pluriannuel d’investissement et de développement des services publics axé sur les transports et l’éducation ».

Ces mesures sont les suivantes :

1°- Priorité aux transports collectifs largement inexistants outre mer, sur le modèle du projet pionnier du tram train initié à La Réunion par Paul Vergès ;

2°-Renforcement des moyens de l’éducation nationale (éradiquer l’illettrisme et atteindre 70 % d’une classe d’âge au bac) et priorité au développement des enseignements professionnels publics secondaires et supérieurs pour soutenir l’emploi qualifié et renforcer l’autonomie économique des outre-mer (en terme de maintenance, d’ingénierie etc.) ;

3°– Développement de maisons de santé publiques pour renforcer la prévention et lutter particulièrement contre les addictions, les grossesses précoces et la mortalité infantile.

1°- Les transports en commun :

Bien sûr, l’idée de relancer le tram train ne peut que susciter mon adhésion pleine et entière.

Il n’en reste pas moins vrai que les deux années qui se seront écoulées entre l’arrivée à la Région de Didier Robert et l’élection présidentielle vont retarder le projet. Non pas seulement de deux ans, mais de bien plus.

Certes, les études avaient été bouclées, le projet présenté à l’Europe (qui l’avait trouvé fort intéressant).

Mais ce qui sera le plus difficile, c’est de redonner confiance aux groupes qui s’étaient positionnés sur le tram train (comme sur d’autres dossiers…).

La versatilité de certains aux manettes politiques a été de nature à créer un climat non de défiance – heureusement – mais de méfiance – malheureusement. Ce sera, à mon avis, la partie la plus difficile à jouer à ce niveau.

2°- L’éducation :

a) Le souhait de renforcer les moyens de l’éducation :

C’est évidemment intéressant. Il faudrait déjà réintégrer les personnels licenciés (emplois jeunes, aides éducateurs, professeurs partant à la retraite).

Dans un budget national contraint, cela risque d’être difficile. Les propositions formulées pour l’équilibre des comptes nationaux pourront combler une partie du déficit et de la dette. Mais elles ne suffiront pas, malheureusement.

b) Eradiquer l’illettrisme :

On ne peut qu’être d’accord. Si des moyens supplémentaires sont accordés à l’académie de La Réunion, ce sera plus facile. Mais l’illettrisme touche aussi des adultes qui sont sortis du système éducatif.

Donc la lutte contre l’illettrisme ne concerne pas que l’éducation nationale, mais implique des partenaires.

Des chartes ont été signées, en partenariat avec la CAF, des collectivités. Mais cela ne règle pas la situation.

C’est une œuvre de longue haleine, mais si nouveau plan il devait y avoir, encore faudrait-il que chaque partenaire joue franc jeu.

On estime à 120.000 personnes le nombre de Réunionnais ne maîtrisant pas ou peu la lecture et l’écriture. 120.000 sur une population active qui est estimée à 300.000 personnes…

Et la non maîtrise est un handicap considérable pour s’insérer dans la vie professionnelle. S’il n’y a pas une baisse du nombre de personnes en situation d’illettrisme, alors tout développement durable est voué à l’échec.

b) L’accès au bac :

À La Réunion, 9 414 candidats se sont présentés aux épreuves du baccalauréat à la session de juin 2010. 8 093 d’entre eux ont décroché leur diplôme.

Le taux de réussite académique s’élève cette année à 86 % et progresse de 0,7 point par rapport à 2009 alors qu’il marque le pas dans l’hexagone.

C’est le meilleur taux jamais atteint à La Réunion. Et il dépasse pour la première fois la moyenne nationale (85,4%). La proposition ne concerne donc pas La Réunion.

c) Emploi/formation :

Il est donc question de « développement des enseignements professionnels publics secondaires et supérieurs pour soutenir l’emploi qualifié et renforcer l’autonomie économique des outre-mer (en terme de maintenance, d’ingénierie etc.) ».

L’idée qui semble sous-tendre la proposition est celle d’une adéquation emploi / formation.

Néanmoins, deux approches sont à combiner :

– L’une est fondamentale et prospective, comme à travers le plan régional de développement des formations dont l’objectif est de favoriser le développement cohérent de l’ensemble des filières de formation des jeunes et des adultes, tout en anticiper sur les besoins.

L’ensemble des acteurs de la formation professionnelle, du monde économique et institutionnel, doit être associé à l’élaboration de cet outil de planification : c’est la garantie de sa pertinence.

– La deuxième approche est plus pragmatique. Il s’agit de mobiliser l’appareil de formation en fonction des besoins s’exprimant à tel ou tel moment.

Dans le contexte de chômage record que connaît La Réunion, mais aussi dans celui d’un relatif dynamisme économique et de création d’emplois, l’objectif assigné à la formation doit donc viser à l’insertion professionnelle, étant entendu qu’il appartient à la formation initiale et à défaut aux dispositifs spécifiques de formation de garantir à chacun le niveau minimum de savoir, de culture et de connaissances.

3°- Santé :

L’idée de maisons de santé publiques est intéressante, si elle se place comme alternative à l’hôpital.

Il est bien évident que ses missions doivent être à la fois préventives et curatives. En mettant l’accent sur  les addictions, les grossesses précoces et la mortalité infantile, c’est peut être prendre le problème par le petit bout de la lorgnette.

Les addictions comme les grossesses précoces sont probablement plus une question de société qu’une question médicale.

En revanche, la mortalité infantile reste à La Réunion, plus élevée qu’ailleurs. Il y a donc là quelque chose à faire.