Suicide politique : mode d’emploi

image (Photo AFP) François Mitterrand (Premier secrétaire du PS), Louis Aragon (écrivain), Georges Marchais (Secrétaire général adjoint du PCF) et Robert Fabre (président de la Gauche unie radicale) lors d’un meeting unitaire de la gauche le 1er février 1972 à la Porte de Versailles à Paris.

Au terme d’une longue période allant de 2002 à 2012, les forces de progrès ont remis en selle la gauche grâce à une majorité de l’électorat qui a en grande partie motivé son désir de changement par un rejet de la politique du gouvernement Fillon-Sarkozy.

Las ! La politique économique et sociale menée depuis par le gouvernement socialiste, censé représenter les forces de progrès tels les Verts, le PCF, le Front de Gauche et autres radicaux, sans compter celles et ceux qui ont désiré un changement à forte connotation de progrès social, ne diffère pas de celle menée par les gouvernements précédents.

Quelles que puissent être les arguments avancés par les hiérarques du gouvernement Valls, ce ne sont pas seulement les militants et sympathisants des partis de la majorité présidentielle dont une partie non négligeable des partisans du parti de la Rose qui le ressentent, mais la majorité de l’électorat qui traduit dans les urnes la déception après la grande espérance de 2012.

Les résultats des différents scrutins l’attestent : il y a le feu à la maison présidentielle ! Et le rendez-vous de décembre 2015 risque d’être un nouveau coup de massue avant d’aborder la dernière ligne droite menant à l’élection présidentielle de 2017.

A moins que, à moins que… les forces de progrès se rassemblent pour redonner espoir à une population qui désespère d’attendre le fameux changement « c’est maintenant ». Mais qui, avant de se rassembler, donnent par le biais de leurs dirigeants l’exemple, avec notamment des déclarations visant à réconcilier, à défaut d’avoir concilié, celles et ceux qui ont pensé que la meilleure voie pour redonner espoir était… de se distinguer.

J’ai bien peur que ce soit le chemin inverse qui soit emprunté par beaucoup. Et il est triste de voir que celui qui ne laisse pas sa part au chat est le Président de la République lui-même.

Invité sur Canal plus, François Hollande a déclaré en substance : « : Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 (…) sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu’on chasse les étrangers, qu’on fasse la chasse aux pauvres ».

Le fait de comparer la position du PCF qui prônait à l’époque le « fabriquons français », mais sans exclure les immigrés, avec celle du FN, qui a pour slogan « produisons français »… par les français, illustre le calcul électoral du socialiste Hollande qui souhaite une plus grande marginalisation du PCF. Calcul ô combien périlleux à l’aube de nouveaux rendez-vous électoraux difficiles.

En tout cas, cela n’a pas manqué de faire réagir la classe politique, en premier lieu le PCF. Je vous livre ci-dessous deux réactions qui méritent me semble-t-il une lecture attentive.

Lettre ouverte à François !

Mardi 21 avril 2015

Cher François,

Hier, invité du Supplément de Canal +, tu as déclaré : « Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970. En pensant qu’on peut fermer les frontières, qu’on peut nationaliser les industries, qu’on peut sortir un certain nombre de capitaux de notre pays sans risque ». Et pour tempérer tes propos, tu as rajouté : « Sauf que le Parti communiste il ne demandait pas qu’on chasse les étrangers, qu’on fasse la chasse aux pauvres… »

Te connaissant un peu – nous avons été quelques années côte à côte sur les bancs de l’assemblée nationale – je dois t’avouer que je ne croyais pas que tu puisses te rabaisser à ce point dans l’expression de tes opinions sur des partenaires de gauches comme les communistes.

C’est indigne de ta part. Non seulement tu as blessé le militant que je suis, mais en plus tu fais une faute politique majeure. Tu sais très bien qu’entre les communistes et les militants d’extrême droite il y a le sang de l’histoire.

Mais plus grave encore, par cette formulation tu réhabilites le Front National en le plaçant au même rang que les partis « républicains » dans notre pays. Tu donnes ainsi un sacré coup de pouce à Marine Le Pen pour 2017. Tu connais sa volonté de dédiaboliser son mouvement pour crédibiliser plus encore ses chances de prendre le pouvoir en 2017.

Je sais, qu’en fin politique, tu joues la carte de l’affrontement avec la présidente du FN au deuxième tour de l’élection présidentielle, ce qui assurerait ta réélection au plus hautes charges de l’état. Mais là tu as offensé une grande partie de ton électorat potentiel. N’oublies jamais que pour gagner en 2017, tu auras besoin de rassembler toute la gauche au deuxième tour et surtout tu auras besoin d’arriver en première, ou au pire, en deuxième posture au premier tour.

Enfin, qu’elle caricature de la position des communistes que de proclamer qu’ils veulent « fermer les frontières, … nationaliser les industries, … sortir un certain nombre de capitaux de notre pays sans risque ». Tu manques, pour le moins, de discernement à ce sujet. Nous pouvons être en désaccord politique, ce qui est visiblement le cas, sur la politique à mener sans tomber dans la caricature de la position de ses partenaires.

Cordialement.
Frédéric DUTOIT
Ancien Député

http://www.elunet.org/spip.php?article85675

Frédéric Dutoit est un ancien député maire des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille, actuellement président des élus Front de Gauche, Communistes et Républicains de Marseille

 

Lettre ouverte à François Hollande

Monsieur le Président de la République,

C’est en tant que Président du groupe Communiste Front de Gauche mais aussi en tant que simple militant d’un parti que vous avez insulté au cours de votre émission sur Canal Plus ce week-end que je tiens à vous écrire.

Oser comparer les tracts du Parti Communiste des années 70 avec les propos actuels de madame Le Pen et du Front national en 2015 est une ignominie, même si vous vous êtes en partie rattrapé en ajoutant que le PCF, lui, n’accusait pas les immigrés.

À l’époque le Parti Communiste Français défendait le « produisons français », sujet qui ce me semble est encore d’une brulante actualité. Vos discours et ceux de vos ministres soulignent l’importance de retrouver des filières de production en France.
À l’époque le Parti Communiste Français critiquait les fondements de la construction de l’Union Européenne depuis, il me semble que nombre de nos critiques ont été justifiées par les faits.

Éloignement des institutions européennes des citoyens, en témoigne la désaffection des électrices et des électeurs pour l’élection du Parlement Européen, décisions politiques inefficaces et peu productives face à l’omniprésence et à la suprématie de la Banque Centrale Européenne dans les décisions prises par la commission et les états membres, manque de démocratie et de transparence dans le circuit décisionnel en Europe etc etc…

Mais le pire dans votre propos Monsieur le Président, c’est que dans les années 70, votre Parti à la tête duquel était un éminent socialiste, Premier Président de gauche de la 5ème République, lui n’avait pas trouvé scandaleux de s’associer à ceux dont vous raillez aujourd’hui les positions. À l’époque ce Parti n’était donc pas si infréquentable, il a même permis, à votre formation politique, en 1981, de connaître une première victoire à l’élection présidentielle.

Alors de grâce Monsieur le Président, ne méprisez pas les communistes français qui se sont à chaque moment de l’histoire levés contre l’extrême droite et ses affidés, y compris dans les années 70, à ce parti qui a porté et défendu les fondements du programme du Conseil National de la Résistance, avec ses conquêtes sociales que vous vous évertuez à détricoter, à ce parti qui a payé si cher pendant la guerre d’Algérie ses positions contre les hommes de l’OAS amis de Monsieur Le Pen.

Vous ne ferez croire à personne que l’ancien secrétaire du Parti Socialiste que vous fûtes ne connaisse pas l’histoire, son histoire, l’histoire de la gauche en France et de ses composantes.

Oser cette comparaison, ce n’est pas qu’un effet de manche. C’est entretenir la petite musique d’un signe égal entre « les extrêmes » qui auraient, selon vous, tant de points communs. C’est, à mon avis surtout nier la responsabilité des politiques actuelles, celles que vous menez et qui ont déçu une grande partie de vos électrices et de vos électeurs du premier et du second tour.

Alors Monsieur le Président de la République, pour moi qui comme tant d’autres communistes de France, a, en 2012, glissé un bulletin portant votre nom parce qu’il ne fallait plus que Monsieur Sarkozy exerce la fonction de Président de la République, je ne m’attendais pas à être ainsi insulté. Même si je venais à peine de naître en 1970 je suis fier d’appartenir à ce Parti qui a dans ses gênes la lutte contre l’extrême droite et encore la volonté de « changer la vie » objectif que vous ne semblez plus mettre à l’ordre du jour de vos priorités.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.

Nicolas Bonnet Oulaldj

http://www.elunet.org/spip.php?article85691

Nicolas Bonnet-Oulaldj est président du groupe communiste-Front de gauche au Conseil de Paris. Titulaire d’un DEA et d’un DESS de sociologie, spécialisé en sport, il commence sa carrière professionnelle au ministère des Sports au moment où Marie-George Buffet est ministre. Titulaire du concours de conseiller territorial des activités physiques et sportives, il a travaillé pour différents villes, dont notamment Bagneux (92), où il est directeur des sports et des loisirs. En 2010, il devient chargé de mission auprès du vice-président sports et loisirs de la région Île-de-France.

 

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1 Commentaire sur

Suicide politique : mode d’emploi

  • DubitativeNo Gravatar |

    Hollande légitime le FN …. c’est clair… un autre avant lui avait commencé à déblayer le terrain

    une faute politique? non, c’est dans la droite lignée de ce qu’il pense

    et s’il voulait vraiment exploser le PS, pour en faire un parti à la Tony Blair?

    idée que je ne partageais pas il y a un an… mais maintenant… je me dis que oui, il va enterrer le parti socialiste, c’est son but,

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