Du 29 juillet au 31 août : rétrospective – Mars 2013 : décentralisation, responsabilité, et évolution institutionnelle

Pierre Vergès Je serai absent pour les jours qui viennent. C’est l’occasion de vous faire partager une rétrospective de mes articles depuis deux ans. Et les informations contenues dans ces papiers ont toujours une part d’actualité. J’entends par là qu’il est intéressant de voir combien la citation de Blaise Pascal « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà » est juste.

Ainsi par exemple, la vérité sur un fait, l’indignation devant une injustice, la revendication devant un traitement inapproprié , peuvent être fortes… ou faibles voire inexistantes, selon que l’on est dans l’opposition ou au pouvoir.

Cela dit, celles et ceux qui dans ces articles sont sujets à des critiques peuvent avoir parfois montré leurs aptitudes à se remettre en cause. Comme quoi personne n’est parfait.

Enfin, j’arrête là et vous souhaite bonne lecture !

  

6 mars 2013 – Institutions et collectivités locales – Acte 3 de la décentralisation : évoluer en adaptant pour tenir compte du passé ? Et pourquoi pas ?     

 

Carte administrative de La Réunion Le débat sur l’acte 3 de la décentralisation a ceci de particulier à La Réunion est qu’il ne fait pas vraiment recette.

Et pourtant, il s’agit d’un débat de première importance, car des préconisations qui vont en découler auront un impact sur l’avenir de notre île.

Un sujet qui a déchaîné les passions 

Certes, c’est un sujet qui a tellement fait couler beaucoup d’encre, et surtout déchainé tant de passions, que nombre de politiques n’osent plus s’aventurer sur ce terrain.

Tentons d’œuvrer pour que le débat s’instaure avec apaisement, lucidité et courage.

Personne vraiment ne conteste qu’à la fin de la guerre, il fût légitime que la revendication d’égalité  des droits aboutisse à l’approbation de l’évolution du statut de La Réunion de colonie en département.

Bien que le système d’intégration et d’assimilation ait apporté non sans luttes sociales de profondes améliorations du niveau de vie, il n’en demeure pas moins que cela s’est opéré avec le maintien de profondes inégalités et de curieuses adaptations, notamment au niveau de rémunérations dans la fonction publique, pour ne citer que ces aspects.

 

La nécessité d’adapter… encore plus 

 

La nécessité de prendre en compte notre situation particulière a abouti au fil du temps à adapter les dispositions prises tant au plan national qu’à l’échelle européenne.

Malgré ces aménagements à la règle, nous sommes aujourd’hui encore plus confronté à la nécessité d’une évolution de notre réflexion sur la stratégie que nous devrions avoir.

De même, notre réflexion mériterait de porter sur  le positionnement que notre île devrait adopter, notamment par rapport à son environnement géographique en profonde mutation.

 

Quelles solutions d’organisation institutionnelle ? 

 

Statu quo sans harmonisation des compétences, ou avec une nouvelle harmonisation des compétences sur la base de celles dont disposent actuellement la région et le département ?

Assemblée unique au lieu et place de la région et du département, avec les compétences actuelles des deux collectivités et de nouveaux pouvoirs, notamment fiscaux ? 

Bi départementalisation avec une région aux pouvoirs renforcés ?

Et si nous ouvrions une autre voie, consistant à évoluer en adaptant pour tenir compte du passé ?

 

Des préalables à lever 

 

D’abord, nous devons mesurer que cette évolution ne peut se faire sans que des préalables soient levés.

Il est en effet illusoire de croire que la solution est uniquement une évolution institutionnelle.

Certes, les blocages issus de l’application mécanique des règles de droit commun, du fait de l’amendement imposé par le parlementaire Jean-Paul Virapoullé, sont évidents.

Le constat de l’impossibilité d’y remédier sans une mise au rebut de cet amendement « irresponsable » est de plus en plus manifeste. Il faut agir, et vite. 

Mais il est indispensable de considérer la situation économique et sociale caractéristique de notre milieu insulaire.

 

Des repères indispensables à considérer 

 

Je ne citerai que quelques repères :

– l’étroitesse de notre territoire contraint par un relief accentué ;

– un aménagement du territoire devant tenir compte de l’existant – entre autres la préservation des terres agricoles et les espaces naturels dont ceux du Parc National de La Réunion – , et de la nécessité de densifier l’habitat,

– sur une île dont le tour représente 207 km, « lacéré » de près de 500 ravines, qui impose de revoir la politique de déplacements avec un réseau routier engendrant un coût exorbitant à cause de ces ravines – la route des Tamarins, à 4 voies sur 33 km, avec plus d’une centaine d’ouvrages d’art (dont certains exceptionnels comme le pont de la Grande Ravine) a coûté plus d’1 milliard d’euros – ;

– une progression démographique persistante nous conduisant au million d’habitants, malgré un nombre d’enfants moyen par femme qui se réduit, mais qui reste en 2009 de 2,38 par femme ; 

– l’exigence de construire encore des équipements publics, du fait de notre retard par rapport à des territoires de même importance en France hexagonale, mais aussi de cette progression démographique ; 

– un nombre de demandeurs d’emploi qui nous place au triste premier rang des régions européennes ;

– un nombre de personnes vivant au dessous du seuil de pauvreté, fixé par les autorités, qui nous place là encore tristement en tête du palmarès national ;

– une politique de revenus à « géométrie variable » selon que l’on soit dans le secteur public ou le secteur privé, et selon son statut à l’intérieur de ces secteurs ;

– un tissu économique fragile qui écarte toute perspective réelle de recettes fiscales supplémentaires, sans mettre à genoux ces entreprises, majoritairement des TPE ;

– une politique d’importation, et de relations économiques, essentiellement tournée vers l’Europe.

 

Un constat et des préconisations connus 

 

Le constat est implacable : les marges de manœuvre sont étroites. 

Plusieurs documents sont venus le rappeler depuis quelques décennies : Plan de développement actif (PDA), le Plan réunionnais de développement durable (PR2D), et d’autres documents, qui ont d’ailleurs confirmé cet état de fait, comme les programmes opérationnels européens (POE) ou les contrats de plan Etat-Région (CPER).

Je pourrai aussi citer les mesures issus de GERRI (document destiné à consacrer durablement notre île comme exemple dans le domaine des énergies renouvelables), du Conseil interministériel pour l’Outremer (CIOM), du Grenelle de l’environnement, ou encore le livre blanc de l’urgence sociale, et bientôt les cahiers de l’agriculture.

  

Le nœud administratif et financier 

 

A chaque fois, le nœud inextricable est celui des contraintes administratives, du fait de l’application de mesures législatives et réglementaires, aggravées par l’insuffisance, quant ce n’est pas l’absence, des moyens financiers. 

Ce qui a été constaté également, ce sont pourtant les efforts déployés par les acteurs réunionnais, institutionnels ou économiques.

N’en déplaisent à celles et ceux qui trouvent toujours à critiquer les « z’élus », quand ce ne sont pas les « patrons » qui sont visés, alors que la majorité des entreprises ont très peu de salariés.

C’est pourquoi je me méfie de l’adage « aide-toi, la nation t’aidera ».

Ainsi, le préalable me semble-t-il est un inventaire exhaustif des handicaps permanents que doit supporter notre île, et ce faisant, au titre de la solidarité nationale et de l’égalité dans la République, la nation toute entière.

 

Un « Pacte de développement » sur 15 ans 

 

Alors, nous n’échapperons pas, à juste titre, à l’inventaire des handicaps non permanents, des blocages, peut-être « justifiés » par la période passée, afin de les lever, par le biais d’un « pacte de développement » entre l’Etat et La Réunion, conclu pour une période de 15 ans.

Pourquoi 15 ans ?

Parce que cela correspond à la période au terme de laquelle la population se stabilisera autour du million d’habitants, et que ce pacte de 15 ans devra permettre à notre île de passer le cap difficile que nous connaissons depuis plusieurs années.

Réformer alors les institutions dans un acte 3 de la décentralisation adapté aux réalités de notre île ? Oui.

De notre île, pas des outremers, car la situation insulaire de La Réunion, dans son environnement géographique india-océanique, ne peut être comparée à celle des outremers caribéens, guyanais ou mahorais.

 

Evoluer en adaptant pour tenir compte du passé 

 

J’ai parlé d’évoluer en adaptant pour tenir compte du passé. 

Cela aurait l’avantage de ne pas bouleverser les équilibres qui ont été, dans les époques mouvementées de l’Histoire de La Réunion, les « marqueurs » de notre « vivre ensemble », malgré les crimes, les injustices, les inégalités qui ont ponctué le rythme soutenu des évolutions de notre société. 

Entendons-nous bien : il s’agit d’une contribution au débat.

Les situations évoluent, les personnes aussi.

Certaines étant pour une assemblée unique ont pu ensuite plaidé pour une bi départementalisation avec une région aux pouvoirs renforcés.

 

Une phase « d’harmonisation » de la décentralisation 

  

Pour ma part, ayant été aussi témoin, en tant que vice-président du Conseil régional de 2004 à 2010, d’une approche constructive des assemblées locales qui ont consacré en 2005 une nouvelle phase d’harmonisation des compétences entre la Région et le Département, je suis convaincu que les élus locaux pourraient

s’accorder sur des mesures urgentes à consacrer par une loi d’orientation sur 15 ans,

– se retrouver sur une plateforme commune avec pour objectif un Acte 3 de la décentralisation adapté à La Réunion, avec deux collectivités qui ont fait leurs preuves depuis 30 ans, la région et le département.

Je ne vais pas entrer dans un débat d’experts sur les compétences précises dévolues à l’avenir à ces deux collectivités. 

Pour 2 raisons : d’abord, je ne suis pas un « expert », et ensuite ce serait faire fi de ma volonté affichée que cela fasse l’objet d’un débat, puis d’un accord entre les élus concernés.

  

Asseoir la responsabilité réunionnaise dans le temps 

 

Ces derniers pourraient se retrouver dans un hémicycle, associant les parlementaires et les représentants des communes, affichant ainsi leurs volontés de cheminer ensemble  pour trouver une voie réunionnaise pour les générations futures.

L’aboutissement serait qu’une délégation composée des parlementaires, des représentants de la région, du département, et des communes réunionnaises, porte à l’Elysée et à Matignon la voie de La Réunion.

Avec un seul objectif : asseoir la responsabilité réunionnaise dans le temps, et l’espace india-océanique, sans tourner le dos à la France et l’Europe.

 

Un « bicamérisme » à la Réunionnaise 

 

Le problème majeur posé par une région à caractère mono départemental est la confusion des rôles sur un même territoire.

Par extension, il arrive que cela se traduise par l’incohérence d’avoir deux assemblées sur un même territoire.

Si cela était vrai, il faudrait s’interroger sur cet « ambiguïté » qui prévaut depuis 1958 au plan national.

A moins que la sagesse nous dicte de constater qu’il n’y a pas confusion des rôles entre l’Assemblée Nationale et le Sénat. 

Certes, ces deux assemblées votent des lois.

Mais ce n’est pas la raison qui légitime leur coexistence sur un même territoire.

 

Un mandat, et un seul, et pour faire ce qui est déjà raisonnablement possible 

  

Ainsi, pour La Réunion, la question que l’on devrait se poser est celle de la disponibilité des élus pour accomplir des tâches résultant de compétences reconnues par la loi à la collectivité dont ils sont membres. 

Je prends mon exemple : je suis vice-président délégué d’une part à l’agriculture, et d’autre part aux transports.

Je revendique aujourd’hui de maîtriser autant que possible les problématiques générées par ces deux domaines. Et cela prend du temps.

Je refuse de considérer que ce n’est pas la même chose pour les autres élus.

Autrement dit, si l’on ne veut pas que le travail soit « bâclé » demain, réduire le nombre d’élus est périlleux.

 

Préserver les équilibres en clarifiant les compétences 

 

D’un autre côté, « regrouper » les élus du département et de la région dans une seule assemblée équivaudrait :

– d’une part à consacrer une assemblée de 94 élus (les 45 de la Région et les 49 du département) ;

– d’autre part à « écarter » tout équilibre entre deux assemblées sur un même territoire qui, par le passé, ont montré certes combien elles étaient capables de bloquer ou freiner une initiative, mais aussi combien elles pouvaient faire preuve de maturité dans la mutualisation des moyens ou l’harmonisation de leurs responsabilités.

C’est donc bien dans la clarification des compétences entre les deux collectivités, dans la dévolution de nouvelles compétences à l’aube d’une nouvelle ère de responsabilité locale, de la définition des rôles des communes et de leurs groupements, que réside le défi de l’Acte 3 de la décentralisation à La Réunion.

 

Le développement économique et le « marqueur » social 

 

Sur ce plan, j’avancerais un principe directeur : la région serait chargée du développement économique pendant que le département assumerait la responsabilité de l’empreinte sociale, y compris dans les projets et initiatives relevant de la région.

Le département, outre les responsabilités dévolues à l’heure actuelle dans le domaine social, aurait à connaître des décisions relevant de la région, afin d’apprécier le « marqueur » social, et au besoin de suggérer de l’enrichir.

Il reviendrait en dernier ressort à l’assemblée régionale de décider d’intégrer ou non les propositions, faites par voie délibérative, des élus départementaux.

C’est sur la base de ces responsabilités respectives que, dans le respect de la parité, seraient élus de manière différente selon la collectivité les conseillers régionaux ou départementaux.

Demain, je vous ferai partager la réflexion d’un universitaire réunionnais, spécialiste de droit constitutionnel, Ferdinand Melin-Soucramanien.

 

28 mars 2013 – Mes commentaires sur les contributions au débat relatif à la nécessité ou non d’une évolution institutionnelle de notre Île. Quelques remarques relatives aux contributions du Professeur André Oraison    

 

Carte des RUP  Diverses contributions au débat relatif à la nécessité d’une évolution institutionnelle ou non de notre Île ont retenu mon attention.

Il s’agit de celles du Professeur de droit André Oraison et de celle de mon collègue conseiller général Cyrille Hamilcaro.

L’article ci-dessous sera consacrée aux contributions du Professeur Oraison.

Un deuxième article sera consacré à la tribune libre de Cyrille Hamilcaro.

Je ne vais pas les reprendre in extenso.

Mais sans en dénaturer l’esprit, je me permets d’en reprendre des extraits, afin d’y apporter mes commentaires.

 

André Oraison : « Dans un contexte de crise économique et sociale sans précédent que connaît La Réunion, un processus de rénovation des institutions locales s’impose. » (1)

« (…) La crise économique et sociale de plus en plus grave que connaît ce DOM se décline aussi au plan statutaire. » (1)

 

Commentaires – Entièrement d’accord.

 

André Oraison : « (…) Après consultation des populations directement intéressées, déjà fixée au 7 avril 2013, une nouvelle entité publique — la Collectivité territoriale d’Alsace — devrait en effet se substituer à la Région et aux deux Départements alsaciens existants afin de réaliser des économies dans le fonctionnement de services publics alsaciens et lui permettre d’agir avec une plus grande efficacité auprès des populations locales. » (1)

 

Commentaires – 

1°- Il est absolument nécessaire qu’une large information des citoyens ait lieu ;

2°- Il est absolument indispensable que les citoyens soient consultés

Article 72-4 de la Constitution française :

« Aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l’alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. »

 

À propos de La Réunion, on peut lire ceci :

 

André Oraison : « (…) Seule une collectivité territoriale unique à La Réunion permettrait d’abord d’éviter un double emploi des fonds publics, un doublon inadmissible à un moment où l’on constate une crise aiguë des finances publiques à tous les niveaux. La coexistence de deux entités territoriales sur la même aire géographique et visant le même groupement humain est inutile et coûteuse. » (1)

André Oraison : « Faut-il rappeler qu’il n’y a dans cette île que 24 communes pour régler le sort de 850.000 habitants alors même qu’il en faudrait au moins le double pour rapprocher de manière satisfaisante les administrés de l’Administration ? » (2)

 

Commentaires – 

1°- La Réunion, dans son environnement indian océanique, n’est pas une région frontalière comme l’Alsace qui a une histoire, une situation économique, sociale, cultuelle et culturelle, différente de celle de notre île ;

2°- Il me paraît périlleux de placer au rang des préoccupations premières les économies de fonctionnement de services publics à La Réunion quand on connaît les retards dont La Réunion est sujette en la matière.

3° – Regrouper en une seule entité deux collectivités sur un même territoire ne signifie pas diminuer le nombre de personnes travaillant pour la nouvelle collectivité. Ce n’est donc pas sur le poste « dépenses de personnel » que les économies seront faites.

Certes, le personnel pourrait être « redéployé » pour une meilleure efficacité… cela reste à vérifier.

Tout dépend des élus en place. Il paraît que l’effectif de la Région Réunion, de 1200 agents avant mars 2010, est passé avec la majorité de Didier Robert à environ 2200 agents. Sans commentaires !

4°- Je me méfie de l’efficacité d’une assemblée unique avec à sa tête une équipe de « casseurs de grands projets » augmentant en parallèle les dépenses de fonctionnement et notamment de personnel, qui auraient les coudées franches pour « enfoncer » un peu plus La Réunion dans un modèle de non développement.

5°- La mobilité territoriale vers des communes nouvellement créées, permettant ainsi « d’atténuer » la charge de personnel des collectivités départementale et régionale, n’est pas automatique, et le gain financier, voire même la plus grande efficacité des services publics, issu de ce redéploiement, doit être démontré.

 

André Oraison : « (…) Agir avec une plus grande efficacité à l’égard de la population locale au plan économique sans remettre en cause les avantages sociaux découlant de la départementalisation et le régime de l’identité législative applicable dans les DOM depuis 1946. » (1)

 

Commentaires – 

1°- On ne peut qu’être d’accord sur la nécessité d’une efficacité accrue des initiatives économique.

Déjà, pour ce faire, il faudrait définir de nouvelles règles en consultant les acteurs, notamment parce que ceux-ci se plaignent de la « frilosité », pour ne pas parler plutôt de « dureté » des organismes bancaires devant les initiatives des entreprises, notamment en matière de recherche-développement et d’innovation.

2°- On ne peut être que d’accord sur la nécessité de ne pas remettre en cause les avantages sociaux.

Mais ne devrait-on pas réfléchir à la mise en place de dispositifs favorisant le renforcement du lien social ?

Un exemple : pourquoi ne pas rétablir un service citoyen d’une année, mais uniquement basé sur des initiatives d’utilité sociale, visant les aides à l’environnement et à la personne, l’objectif étant par ailleurs de rappeler un certain nombre de règles de vie en société, qui ont tendance à être oubliées par des jeunes trop souvent en détresse sociale.

 

André Oraison : « (…) La réforme ne porterait pas davantage atteinte au statut européen de Région ultrapériphérique (RUP) attribué à La Réunion et, par suite, aux financements émanant des fonds structurels de Bruxelles. » (1)

 

Commentaires – Voilà une solution de sagesse. Mais il serait opportun de réfléchir sur la nécessité au plan européen d’appliquer à La Réunion non pas des dispositifs légitimes adaptés aux régions continentales européennes, mais bien des stratégies particulières, qui peuvent diverger des stratégies applicables à ces régions continentales de l’Europe.

 

André Oraison : « (…) Cette restructuration démocratique s’impose (…) après suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution qui empêche La Réunion de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation, selon le cas, du Parlement ou du gouvernement dans une série de matières stratégiques comme l’emploi local, l’énergie, l’enseignement, la fiscalité, la protection de l’environnement terrestre et marin ou encore les transports publics. » (1)

 

Commentaires – L’article 73 de la Constitution française stipule :

Alinéa 1

« Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »

Alinéa 2

« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.

Alinéa 3

Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

Alinéa 4

Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.

Alinéa 5

La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion.

Alinéa 6

Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

Alinéa 7

La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »

 

Il faut évidemment la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution qui empêche La Réunion de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation.

La « chasteté » ne se mesure pas au port d’une ceinture comme cela se faisait pour les femmes au Moyen-Âge.

Et personne, ou à peine une poignée d’individus, n’envisage de bénéficier d’une plus grande responsabilité locale pour s’affranchir à terme de l’appartenance à la République.

Cela ne signifie toutefois pas que cela entraîne automatiquement comme solution la création d’une collectivité unique.

 

André Oraison : « (…) La loi de décentralisation du 31 décembre 1982, portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Cette loi applique à la lettre le droit commun en reconnaissant dans chacun des DOM l’existence de deux collectivités territoriales – la région et le département – dotées chacune d’un pouvoir exécutif et d’une assemblée délibérante. » (3)

 

Commentaires – L’existence de deux entités administratives sur un même territoire n’est donc pas contradictoire pour le législateur, ni pour le Conseil constitutionnel.

 

André Oraison : « (…) On doit la considérer comme un « pur non-sens » dès lors qu’une telle coexistence comporte inévitablement et de manière quasi permanente des « risques d’incertitude, de double emploi, de dilution des responsabilités et de conflits d’attributions » . (3)

« (…) Un territoire insulaire caractérisé, de surcroît, par l’étroitesse de son assise territoriale (2 512 kilomètres carrés de terres émergées) et la faiblesse numérique de sa population (850 000 habitants). » (1)

 

Commentaires – 

1°- La différence entre ces deux entités doit donc se situer au niveau de leurs compétences, et au niveau du mode de désignation de leurs membres.

Il est impératif de faire preuve d’innovation pour éviter les chevauchements et autres superpositions de compétences.

Par analogie, on peut constater que le périmètre d’intervention de l’Assemblée Nationale et du Sénat est le même, mais que la Constitution règle les niveaux d’intervention de ces deux assemblées, le pouvoir législatif revenant, pour les lois dites « ordinaires », en dernier ressort à l’Assemblée Nationale, par un vote en « dernière » lecture.

Les députés ont une parcelle de la souveraineté nationale, élus au suffrage universel direct sur des circonscriptions, tandis que les sénateurs sont élus au suffrage indirect, désignés par les élus de leurs départements.

2°- L’étroitesse d’un territoire, celui de La Réunion, plus grand que la cité Etat de Singapour, ou la « faiblesse » de sa population (plus importante que celle de l’Islande – environ 320 000 habitants – ou celle de l’Etat du Monténégro – environ 700 000 habitants – pour ne citer que ces deux pays) ne sont pas en soi des arguments rédhibitoires.

 

André Oraison : « Seule une collectivité unique pourrait rendre beaucoup plus audibles et crédibles les aspirations des Réunionnais auprès des instances nationales. » (2)

 

Commentaires – Cela reste à démontrer. Ce n’est pas l’institution qui fait l’autorité.

Aujourd’hui, nous avons 6 députés de la majorité gouvernementale, dont 5 du Parti socialiste.

Il ne me semble pas que nous ayons une écoute attentive de Paris à la mesure des enjeux locaux.

À moins de considérer que la responsabilité ne leur incombe pas, et relèverait des exécutifs des assemblées locales, aujourd’hui pas suffisamment crédibles.

 

André Oraison : « (…) La Réunion n’est pas seulement une région ultramarine qui doit maintenir des liens étroits avec la France métropolitaine. (2)

 

Commentaires – Entièrement d’accord.

 

André Oraison : « (…) C’est aussi une Région ultrapériphérique de l’Union européenne, située à 10.000 kilomètres de Bruxelles. C’est dire qu’il faut tenir compte de sa localisation géographique.  (2)

 

Commentaires – Encore une fois entièrement d’accord.

 

André Oraison : « (…) La création d’une collectivité territoriale unique se substituant à la région et au département de La Réunion serait de nature à faciliter la nécessaire intégration économique et culturelle de cette petite entité insulaire dans son environnement indianocéanique immédiat qu’est la zone Sud-Ouest de l’océan Indien. » (2)

 

Commentaires – Là, j’en reviens à mon propos exposé plus haut : il y a à discuter de la notion de « chef de file » en matière de coopération régionale.

Cela peut se faire au prix d’une clarification des compétences et des responsabilités respectives du Conseil régional et du Conseil général, sans pour autant conclure que cela n’est envisageable que dans l’hypothèse de la création d’une collectivité territoriale unique.

 

André Oraison : « (…) La création d’une collectivité territoriale unique se substituant à la région et au département de La Réunion permettrait déjà de mieux utiliser les leviers offerts par la Constitution en matière d’expérimentation. (2)

Reconnue par l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution à toutes les collectivités métropolitaines et ultramarines, cette possibilité de déroger à la loi et au règlement national « à titre expérimental et pour un objet et une durée limités » mériterait ainsi d’être concrétisée à La Réunion pour tenir compte de ses multiples spécificités locales. » (2)

 

Commentaires – Encore une fois, je dirai que le droit à l’expérimentation reconnue par l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution à toutes les collectivités métropolitaines et ultramarines, n’a à mon sens pas été suffisamment exploité.

Mais ce droit n’appartient nullement aux seules collectivités territoriales uniques.

 

 *****

 

Pour conclure, je préciserai qu’il ne s’agit pas, à l’heure où certains ont le mérite de ne pas rester muets et de donner leur point de vue, d’un jugement sur les contributions ou tribunes qui paraissent.

Mon vœu le plus cher est de participer à l’enrichissement du débat, afin d’essayer d’être un citoyen responsable.

 

(1) Extrait de la tribune du Professeur André Oraison intitulé Radioscopie d’une réforme institutionnelle urgente : la création d’une collectivité territoriale unique et efficiente à La Réunion

(2) Extrait de la tribune du Professeur André Oraison intitulé Les avantages résultant de la création d’une collectivité territoriale unique à La Réunion

(3) Extrait de la tribune du Professeur André Oraison intitulé Le fondement de la création d’une collectivité territoriale unique à La Réunion

 

28 mars 2013 – Mes commentaires sur les contributions au débat relatif à la nécessité ou non d’une évolution institutionnelle de notre Île : en réponse à mon collègue conseiller général Cyrille Hamilcaro   

 

Carte administrative de La Réunion Lundi 25 mars 2013, le conseiller général Cyrille Hamilcaro a fait paraître une tribune libre intitulée « Lettre ouverte aux néo-autonomistes ». 

Cette tribune est une contribution au débat sur la nécessité ou non d’une évolution institutionnelle de notre Île.

 

Vous retrouverez l’intégralité de la tribune à la fin de mon article

Mais sans en dénaturer l’esprit, je me permets d’en reprendre des extraits, mis en italiques, afin d’y apporter mes commentaires.

 

Une argumentation « étriquée » ?  

  

Cyrille Hamilcaro : « (…) Une argumentation certes séduisante mais étriqué, il y aurait nécessité de faire en sorte que La Réunion ait une évolution institutionnelle pour résoudre ses problèmes économiques et sociaux. »

 

Etonnant de voir  mon collègue Cyrille Hamilcaro trouver « étriquée » l’analyse selon laquelle l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution constitue un frein aux initiatives locales pour une politique adaptée à notre île !

Il aurait pu dire « inutile » « iconoclaste », ce qui reposerait sur des bases d’analyse politique, mais le mot « étriquée » ne veut rien dire ici.

La Réunion doit elle avoir «  une évolution institutionnelle pour résoudre ses problèmes économiques et sociaux ? ».  Oui, c’est une étape obligée.

 

Oui, la loi de mars 46 est « obsolète »  

 

Cyrille Hamilcaro : « Selon eux, le passage de colonie à Département le 19 mars 1946, (…) cette logique est aujourd’hui obsolète. »

 

Oui, la loi de mars 1946 est bien « obsolète » aujourd’hui. 

Il serait totalement et politiquement faux de dire qu’elle n’a rien apporté.

Mais ce qu’elle apporte encore aujourd’hui ne permet plus de faire face aux réalités.

Pas plus que cela ne permet de dessiner des perspectives.

 

Attention au « procès d’intention »  

 

Cyrille Hamilcaro : « Sauf pour les communistes qui sont dans leur vrai, car ils étaient eux (et ils le restent!) dans une logique de développement « séparée » et non « différenciée ». » 

 

C’est un procès d’intention, et cela ne veut rien dire, à moins de faire une allusion au développement séparé que nous retrouvons dans les régimes communautaristes, tel celui de l’apartheid.

Procès d’intention surtout quand l’histoire reconnaît que les communistes ont joué un rôle important à La Réunion dans la lutte contre le régime honni de l’apartheid d’une part, et dans l’application de l’égalité sociale en matière de prestations sociales et familiales d’autre part.

Par contre, il est vrai que nous avons avec constance plaidé pour que Paris constate une évidence : le contexte réunionnais, et notamment l’environnement géographique de notre île, nous invite à construire un modèle réunionnais « différencié ».

 

Un manque cruel : le projet   

 

Ceci dit, a-t-on utilisé toutes les ressources juridiques qui nous sont offertes ? Non.

A commencer par le droit à l’expérimentation.

Bien peu d’élus se sont saisis de cette opportunité, dans les collectivités de France métropolitaine.

Pourquoi ne pas avoir utilisé cette possibilité ? 

Serait-il inexact de dire que pour l’instant, on ne voit que des « mesurettes », des idées plus ou plus intéressantes, plus ou moins valables, mais qui ne reposent en fait sur aucune perspective globale ?

 

Supprimer ou garder l’article 73 n’est qu’un aspect du problème  

 

Car ce qui manque cruellement, c’est un projet.

Bien sûr, le constat des différentes carences est plus ou moins partagé.

Le catalogue de propositions, on l’a. 

Mais de projet, il n’en est pas question.

Dire qu’il faut supprimer, ou dire qu’il faut garder l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution, sans faire référence à un projet, c’est tout de même prendre le problème par le petit bout de la lorgnette.

 

Une absence d’analyse politique   

  

Le discours de mon collègue Cyrille Hamilcaro sur l’alinéa 5 de l’article 73 n’est que la reprise des différents documents juridiques (des articles L.O. 4435-9 à L.O. 4435-12, de l’article 73 de la Constitution).

Il n’y a pas d’analyse politique.

En revanche, l’exemple pris (le département de La Réunion fixant les conditions d’attribution du RSA) est très révélateur d’un état d’esprit.

  

L’arme de la peur à nouveau brandi   

 

Cyrille Hamilcaro : « (…) Si nous partons de ce que prévoit la Constitution, le Conseil Général pourrait décider seul, par exemple, de fixer des conditions plus restrictives à l’attribution du RSA, ainsi que moduler son montant, sans passer par la représentation nationale. 

Il en serait de même en matière, pour la Région et le Département, de création des impôts et taxes ! 

Sont-ce véritablement cela que les Réunionnais veulent ? »

 

Comme toujours avec certains, il s’agit de brandir l’arme de la peur.

Mettre en lien la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 et la baisse du RSA, c’est déployer une grossière manœuvre de manipulation !

Quant à l’idée d’une fiscalité propre pour La Réunion, pourquoi pas ?

Certains foyers ne paient pas d’impôt sur le revenu, en touchant pourtant deux retraites de fonctionnaires ! Et des retraites majorées !

  

Pas un changement de couleur mais la responsabilité du choix des matériaux   

  

Cyrille Hamilcaro : « (…) Ce n’est pas en changeant la couleur du toit d’une maison que l’on change la vie de ses occupants. »

 

Belle formule imagée, mais se situe-t-on à ce niveau si le pouvoir nous est donné d’envisager de mettre une taxe supplémentaire sur tous ces gros foyers ?

Une taxe dont le produit pourrait par exemple être reversé aux… allocataires du RSA, en contrepartie d’une incitation réelle vers l’insertion et le travail durable !

Il ne s’agit donc pas de repeindre sur des parois affectées, mais de revoir nous-mêmes les matériaux utilisés avant de repeindre.

  

Pourquoi pas lutter « localement » contre l’excès de réglementation   

 

Cyrille Hamilcaro : « (…) On se doit de changer quelques règles bloquants mais lutter contre l’excès de réglementation ne signifie pas s’octroyer la capacité à légiférer. »

 

Le fait de mettre en opposition «  l’excès de réglementation » d’un côté et « la capacité à légiférer» de l’autre, n’apporte pas grand chose.

L’excès de réglementation, toutes les collectivités en souffrent.

Toutes les collectivités en souffrent, y compris financièrement.

Et justement, pourquoi ne pourraient-elles pas, à La Réunion, compte tenu justement des spécificités, en amender, voire en supprimer certaines, qui les pénalisent bien plus que les collectivités de France continentale ?

 

La position du sénateur UMP Eric Doligé   

  

Je ne ferais pas insulte à Cyrille Hamilcaro en reprenant ce que le sénateur UMP du département du Loiret, Eric Doligé, préconisait en ce qui concerne l’inflation normative.

En substance, le sénateur recommandait en premier lieu une évolution de la méthode d’élaboration des normes applicables aux collectivités locales (définition d’un programme de réduction annuel des normes, meilleure prise en compte de la taille et des moyens des différentes collectivités, en appelant à une adaptation du droit aux réalités locales).

Notamment outre-mer !

Mais l’adaptation ne veut évidemment pas dire faire n’importe quoi !

 

L’exception remplaçant la règle, le droit commun devient l ‘exception   

 

Cyrille Hamilcaro : « Prenons un exemple : l’incapacité d’un fils d’agriculteur, expérimenté par la pratique, de prendre la succession de ses parents car non diplômé. 

Par blocage de la réglementation, il ne pourra pas exercer son métier, qu’il maîtrise, car il n’a pas les diplômes nécessaires ; et alors qu’il ne demande pas un sou à personne pour reprendre l’exploitation. 

Il en sera de même pour le coiffeur, le boulanger, le taxiteur ou le fleuriste… »

C’est bien parce que le droit commun est la règle que les particularismes réunionnais ne peuvent pas être pris en compte… systématiquement pour que l’exception devienne… la règle.

 

Intégration sans assimilation, voire assimilation sans intégration : « vaste programme »

   

Cyrille Hamilcaro : « Je suis pour un principe politique simple : modèles institutionnel et social uniques, modèles économiques et sociétales différenciées. »

 

Si mon collègue conseiller général veut dans le même temps des « modèles institutionnel et social uniques, modèles économiques et sociétales différenciées », il a raison, il va falloir une sacré imagination !

 

Des propositions ? Mais pour quel projet global ?  

  

Cyrille Hamilcaro : « Il y a trois orientations qui, aujourd’hui, peuvent l’objet d’une large majorité, si ce n’est d’une unanimité : le découpage des communes, la mise en cohérence des compétences dans une région monodépartementale et la gestion des emplois aidés. » 

« (…) Ces communes supplémentaires ne coûteraient rien de plus à l’Etat, et ne déséquilibreraient pas le schéma de coopération intercommunale en les obligeant à rester dans les EPCI actuels. »

 

Un redécoupage communal, un redécoupage cantonal, pourquoi pas, cela peut là aussi se discuter.

On peut faire des projections sur ce que cela pourrait être.

Mais la question est là encore simple : redécouper, remodeler, mais quoi ?

Et surtout pour quoi ? Dans quel objectif ?

Pour la réalisation de quel projet ?

Le redécoupage ? Oui, mais pourquoi obligatoirement se figer sur ce qui existe déjà ?

Pourquoi ne pas envisager, s’il est vraiment nécessaire de redécouper, de se placer sur le plan de l’économie.

Pourquoi ainsi ne pas tenir plutôt compte de ce que l’on appelle « les bassins d’emplois » par exemple.

Et ne faudrait-il pas faire attention quand on mentionne « d’obliger » les nouvelles communes « à  rester dans les EPCI actuels ».

La solidarité entre communes ou collectivités ne se « décrète » pas, elle se « secrète », se construit pas à pas, avec détermination, mais patience et respect mutuel.

 

Clarification des compétences ? Et la mutualisation ?   

 

Cyrille Hamilcaro : « La clarification des compétences. Il est clair que le Conseil Régional et le Conseil Général se doivent de sortir de ce statu quo qui freinent les actions par absence de visibilité claire, et par un trop plein de financements croisés. Cela peut se faire sans toucher aux prérogatives des communes ou des EPCI. »

 

Mettre en cohérence les compétences entre Région et Département ?

Cela a été fait à plusieurs reprises… notamment quand le conseiller général Hamilcaro Cyrille faisait partie de la majorité départementale de 2001 à 2008, et que l’harmonisation des compétences entre région avec Paul Vergès et département avec Nassimah Dindar s’est concrétisée par un accord en 2005.

Faut-il comprendre que les exécutifs de l’époque ne sont pas allés jusqu’au bout des possibilités ? 

Mais n’y a t-il aussi une autre approche ?

Je prendrais l’hypothèse de la mutualisation.

Avec la mutualisation, la clarification dans la répartition des compétences n’est plus indispensable.

L’exemple de la mise en place d’un syndicat mixte des transports en est une illustration.

Sauf erreur, cela commence à se pratiquer.

 

Attention à l’imprécision dans l’attribution d’une compétence « exclusive »   

 

De plus, parler de « compétence exclusive » me paraît dangereux si des précisions ne sont pas apportées afin d’éviter de se « planter ».

En effet il ne faut pas que cela soit  contradictoire avec la règle la libre administration des collectivités et de non tutelle d’une collectivité sur une autre.

Il en est ainsi quand la proposition suivante est faite : « l’aménagement du territoire seraient de la compétence exclusive de la Région ».

Ou encore lorsqu’il est suggéré de consacrer l’éducation, la santé et la culture à « la compétence exclusive du Département » 

Cela signifie-t-il que le département s’occuperait des lycées, et reprendrait la gestion des TOS travaillant dans les lycées ? 

Le Département seul s’occuperait-il de la culture ? Parce que cela touche à l’humain ?

Et la santé ? Comment établir un « plan réunionnais de santé publique » s’il ne repose pas, par exemple, sur la recherche ? Quels seraient les rapports entre les deux collectivités ? 

  

L’exercice difficile de mise en adéquation de l’emploi et de la formation

  

Quant à l’adéquation entre emploi et formation, cela existe déjà.

Les PRDF et autres documents de planification ont eu, plus ou moins cette ambition.

Mais cela n’a de toute évidence pas permis de résoudre la question du chômage.

Entre autres pour les deux raisons suivantes :

– d’une part, parce qu’il y a toujours une partie de la population qui ne pourra pas entrer dans les dispositifs, faute d’une formation initiale suffisante ; 

– d’autre part, parce que le tissu économique réunionnais étant fait de TPE ou d’entreprises artisanales, les projections à long terme sont très difficiles.

Il y a à ce sujet une abondante littérature.

D’ailleurs, même au niveau national, ces projections sont difficiles à réaliser. Un exemple, la pénurie d’infirmières était-elle difficile à prévoir ?

 

Plutôt une responsabilisation citoyenne dans la gestion des emplois aidés   

 

Cyrille Hamilcaro : « La gestion des emplois aidés. Tout un chacun souhaite sortir de la dictature de la pression des emplois aidés sur la gestion quotidienne. »

 

Je ne sais pas si tout un chacun le souhaite, mais je suis assez d’accord avec les propositions formulées ensuite.

Avec un bémol : il ne faut pas souhaiter le dessaisissement des collectivités locales de cette « responsabilités » pour retomber dans le travers d’une gestion exclusive de l’Etat.

A l’heure où nous souhaitons, avec ou sans réforme institutionnelle, nous inscrire dans l’ère d’une responsabilité plus affirmée, nous devons tout faire pour que la responsabilisation citoyenne soit une constante de notre démarche d’élus.

A ce titre, et dans un objectif de maintien, à défaut du renforcement, du lien social, la gestion par l’Etat, avec le concours des collectivités locales pour aider à l’élaboration de projets, et la participation à la décision de comités citoyens de quartiers, notamment pour la désignation des bénéficiaires, me semble être une solution plus appropriée.

 

*****

 

En conclusion, je préciserai ceci : l’analyse de mon collègue Cyrille Hamilcaro a un mérite, celui d’exister.

Mais cette analyse soulève autant de problèmes qu’elle prétend en résoudre.

 

La tribune libre de Cyrille Hamilcaro intitulée « Lettre ouverte aux néo-autonomistes ».

 

Dans diverses interventions, des politiques locaux et un universitaire proche des réseaux gouvernementaux (et non des moindres puisqu’il s’agit d’une membre de la commission Jospin), ont plaidé pour la suppression de l’amendement Virapoullé qui interdit à La Réunion d’exercer une certaine autonomie législative, dite « lois pays ». Pour eux, dans une argumentation certes séduisante mais étriquée, c’est la fin du modèle départemental et il y aurait nécessité de faire en sorte que La Réunion ait une évolution institutionnelle pour résoudre ses problèmes économiques et sociaux.

Ainsi, selon eux, le passage de colonie à Département le 19 mars 1946, puis l’affirmation des lois sociales au profit de ces départements d’Outre-mer à compter de 1963, ensuite la création de la Région comme collectivité élue en 1983 et enfin la consécration constitutionnelle de La Réunion région mono-départementale, seraient des évolutions institutionnelles au départ logique, mais que cette logique est aujourd’hui obsolète. Cette conception est une erreur politique et historique majeure, sauf pour les communistes qui sont dans leur vrai, car ils étaient eux (et ils le restent!) dans une logique de développement « séparée » et non « différenciée ».   

Que dit actuellement la Constitution concernant les compétences des collectivités pour fixer les règles applicables sur leur territoire ?

Elle dit que les collectivités d’outre-mer de l’article 73 de la Constitution, à l’exception de La Réunion, peuvent, pour tenir compte de leur spécificité, être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.

Ainsi, les conditions dans lesquelles peut intervenir une telle habilitation et le régime des actes des départements et régions d’outre-mer et du Département de Mayotte fixant les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement sont fixées pour les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique par les articles L.O. 3445-9 à L.O. 3445-12 du code général des collectivités territoriales et pour les régions de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, et le Département de Mayotte par les articles L.O. 4435-9 à L.O. 4435-12 du même code.

La demande d’habilitation tendant à adapter une disposition législative ou réglementaire est adoptée par délibération motivée du conseil général ou régional. Elle ne peut intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ni porter sur l’une des matières mentionnées au quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution (nationalité ; droits civiques ; garanties des libertés publiques ; état et capacité des personnes ; organisation de la justice ; droit pénal ; procédure pénale ; politique étrangère ; défense ; sécurité et ordre publics ; monnaie ; crédit et changes ; droit électoral). Elle devient caduque le dernier jour du mois qui précède celui du renouvellement du conseil, le jour de la dissolution ou de l’annulation de l’élection de l’ensemble des membres du conseil qui l’a adoptée ou le jour de la vacance de l’ensemble des sièges du conseil. Elle est transmise au Premier ministre et au représentant de l’État dans la collectivité et publiée au Journal officiel de la République française.

L’habilitation est accordée par la loi pour une durée qui ne peut excéder deux ans à compter de sa promulgation. Le Conseil constitutionnel a précisé que l’économie générale des dispositions constitutionnelles exclut que cette habilitation puisse être délivrée par des ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution (CC n° 2007-547 DC du 15 février 2007). Le conseil général ou régional adopte, par délibérations publiées au Journal officiel de la République française, les dispositions prises en application de l’habilitation. Les dispositions de nature législative d’une délibération d’un conseil général ou d’un conseil régional prises sur le fondement de l’habilitation législative ne peuvent être modifiées par une loi que si celle-ci le prévoit expressément. De même, les dispositions de nature réglementaire prises sur le fondement d’une telle habilitation ne peuvent être modifiées par un règlement que si ce dernier le prévoit expressément.

Si nous partons de ce que prévoit la Constitution, le Conseil Général pourrait décider seul, par exemple, de fixer des conditions plus restrictives à l’attribution du RSA, ainsi que moduler son montant, sans passer par la représentation nationale. Il en serait de même en matière, pour la Région et le Département, de création des impôts et taxes ! Sont-ce véritablement cela que les Réunionnais veulent?

Permettez-moi donc, à mon humble niveau d’élu local et de petit juriste des quartiers pauvres, de m’inscrire en faux contre de telles propositions : ce n’est pas en changeant la couleur du toit d’une maison que l’on change la vie de ses occupants.

Au vu du contexte (140 000 chômeurs malgré une croissance supérieure à 2,5%, une évolution sociétale trop rapide, une étroitesse du territoire qui place la mobilité comme une nécessité publique, un commerce extérieur largement déficitaire, une structuration sociale encore marquée par la structure des sociétés de plantation, une dérive vers des gouvernances sous pressions de lobbies économiques ou de communautés d’appartenance, une école qui ne forme pas…), certains tombent dans la facilité de dire que puisque la maison coule, il faut la repeindre. Je ne partage pas cet avis et cette forme de pensée qui se veut unique. Certes, on se doit de changer quelques règles bloquants mais lutter contre l’excès de réglementation ne signifie pas s’octroyer la capacité à légiférer.

Je suis pour un principe politique simple : modèles institutionnel et social uniques, modèles économiques et sociétales différenciées. A partir de là, le fait que nous soyons en Outre-mer nous oblige à avoir un modèle économique différent; et notre histoire et nos traditions font inévitablement que nous ayons un modèle sociétal différent des autres régions de France Hexagonale. Travailler sur ces modèles qui doivent nous être propres n’impliquent pas nécessairement que nous puissions, en dehors du législateur national, changer ou adapter des règles qui relèvent du domaine institutionnel ou des organisations sociales. Si une Région fait cela, nous ne sommes plus dans une République unitaire et décentralisée, mais nous sommes dans une République régionalisée ou fédérale. Et dans le cas des régions d’Outre-mer, une telle assimilation juridique constitue une différenciation totale et une ambigüité politique sans bornes. J’accepterai un changement institutionnel lorsque ce changement sera global et concernera l’ensemble de la République.

Prenons un exemple : l’incapacité d’un fils d’agriculteur, expérimenté par la pratique, de prendre la succession de ses parents car non diplômé. Par blocage de la réglementation, il ne pourra pas exercer son métier, qu’il maîtrise, car il n’a pas les diplômes nécessaires; et alors qu’il ne demande pas un sou à personne pour reprendre l’exploitation. Il en sera de même pour le coiffeur, le boulanger, le taxiteur ou le fleuriste… C’est bien là une inadéquation de la réglementation qui fait que le chômage se maintient, alors que la compétitivité passe par la possibilité pour tous de créer et d’innover. Et si nous posons le problème de la sur-rémunération comme un frein à la compétitivité des entreprises ou comme un facteur d’inflation, qu’est-ce qui empêche les élus, au lieu de réclamer du pouvoir législatif supplémentaire, de proposer la solution au problème et de faire modifier la loi par la représentation nationale?  

 

Nous avons les outils nécessaires pour faire évoluer, par nous même, les règles nécessaires afin de résoudre quelques problèmes récurrents. Mais encore faut-il que nous soyons suffisamment inventifs (ce qui est le contraire de la facilité) et audacieux pour mettre en marche ces outils qu’aucune collectivité n’a à ce jour véritablement utilisé. 

Quels sont ces outils? Ce sont les pouvoirs d’initiative des assemblées locales des départements et régions d’outre-mer et du Département de Mayotte !

Les conseils généraux et les conseils régionaux d’outre-mer peuvent présenter des propositions de modification ou d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ainsi que toutes propositions relatives aux conditions du développement économique, social et culturel du département ou de la région ou du Département de Mayotte (articles L. 3444-2 et L. 4433-3 du CGCT).

Ils peuvent également faire au Premier ministre toutes remarques ou suggestions concernant le fonctionnement des services publics de l’État dans le département ou la région ou du Département de Mayotte (articles L. 3444-2 et L. 4433-3 du CGCT) et adresser au Gouvernement des propositions pour l’application des traités sur l’Union européenne ou sur le fonctionnement de l’Union européenne(articles L. 3444-3 et L.  4433-3-2 du CGCT).

Ces conseils peuvent adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d’engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République et les États de la Caraïbe ou les États voisins de la Guyane ou les États de l’océan Indien ou d’accords avec des organismes régionaux des aires géographiques correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies (articles L. 3441-2 et L. 4433-4-1 du CGCT).

De plus, en matière internationale :

– dans les domaines de compétence de l’État, le président du conseil général ou la président du conseil régional peut recevoir un pouvoir de l’État pour négocier et signer des accords avec les États et territoires mentionnés ci-dessus ; il peut être associé à la délégation française ; il peut être chargé de représenter la République au sein de ces organismes régionaux (articles L. 3441-3 et L. 4433-4-2 du CGCT) ;

– dans les domaines de compétence du département ou de la région, le conseil général ou le conseil régional peut demander à l’État d’autoriser leur président à négocier des accords internationaux avec les États et territoires précédemment mentionnés. L’État peut également donner pouvoir au président du conseil général ou au président du conseil régional pour signer ces accords (articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 du CGCT) ;

– dans les domaines de compétences respectifs de l’État et du département ou de la région, le président du conseil général ou le président du conseil régional peut participer, au sein de la délégation française, aux négociations de cet accord (articles L. 3441-5 et L. 4433-4-4 du CGCT).

 

Les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent saisir le Gouvernement de toute proposition tendant à l’adhésion de la France à ces mêmes organismes régionaux (articles L. 3441-6 et L. 4433-4-5 du CGCT).

Les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent avoir recours à des sociétés d’économie mixte pour la mise en œuvre des actions engagées dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues en matière de coopération régionale (articles L. 3441-7 et L. 4433-4-8 du CGCT). Les conseils régionaux peuvent, en outre, créer des sociétés d’économie mixte ayant pour objet le transport aérien ou maritime (article L. 4433-21 du CGCT).

Des consultations facultatives peuvent également être prévues par des textes particuliers. À titre d’exemple, l’article 3 du décret n° 60-406 du 26 avril 1960 dispose que « les chambres de commerce et les chambres d’agriculture des départements d’outre-mer pourront être appelées, par les soins du ministre chargé des départements d’outre-mer, à donner leur avis sur les projets de loi et dispositions réglementaires d’adaptation concernant les questions relevant de leur compétence ».

Les conseils régionaux peuvent par ailleurs être saisis pour avis de tous projets d’accords concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d’environnement entre la République française et : les États de la mer Caraïbe ou les États voisins de la Guyane pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique ; les États de l’océan Indien pour le conseil régional de La Réunion et le conseil général de Mayotte (article L. 4433-4 du CGCT).

Un référendum sera indispensable pour cette « Autonomie » !

Qu’avons nous déjà produit dans le cadre de nos prérogatives depuis 1988 et depuis 2005 ? Pas grand chose, pour ne pas dire rien. Je ne pense pas que nous devrions oser, sans avoir assumé nos possibilités, réclamer des pouvoirs supplémentaires pour soi disant l’intérêt supérieur du pays. Je respecte toutes les revendications, mais permettez-moi d’exprimer ma liberté et ma conviction d’élu départementaliste.

Le statut départemental ne deviendra obsolète que lorsque nous aurons épuisé toutes les possibilités que ce statut qui s’offrent déjà à nous ! Et parce que je crois fermement au pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, une telle évolution ne pourra se faire dans le secret des négociations dans les cabinets ministériels : je crois aux vertus de la décision du peuple.

Ainsi, je propose aux élus qui souhaitent aller dans le sens de l’autonomie des collectivités locales, outre de lire le superbe « Essai sur la liberté du pouvoir normatif local » de Marc Joyau (Maitre des conférences à l’Université de Nantes), d’argumenter leurs projets et de les soumettre au peuple. Bien entendu, il se trouvera des petits comme moi, engoncé dans ses convictions, qui mèneront un combat pour le non à l’Autonomie; mais le dernier mot reviendra au peuple et sa décision s’imposera à tous ! Mais nous aurons au moins eu le mérite de bénéficier d’un vrai débat…

Intégrer vraiment l’acte III de la décentralisation

En début avril, aura lieu encore une fois au Sénat un colloque sur les bases du futur projet de loi sur l’amélioration de la Décentralisation. Il serait plus judicieux que les élus locaux qui auront l’honneur d’y participer puissent faire des propositions intéressantes, voire iconoclastes, permettant à notre département de modifier quelques structures et pratiques. Mais ces propositions ne peuvent avoir de force probantes, tant pour les intervenants que pour les parlementaires qui interviendront dans les assemblées, si et si seulement si les assemblées locales délibèrent  au préalable.

Il y a trois orientations qui, aujourd’hui, peuvent l’objet d’une large majorité, si ce n’est d’une unanimité : le découpage des communes, la mise en cohérence des compétences dans une région monodépartementale et la gestion des emplois aidés.

Le découpage des communes. Il est clair que le découpage des circonscriptions législatives a permis de visualiser la gestion territoriale autrement avec l’émergence d’une certaine influence territoriale échappant aux majorités municipales. Ainsi, il ne serait pas incongru de dire que certains cantons, qui ont été « retirés » de leur commune dans le cadre des élections législatives, peuvent devenir (seuls ou regroupés) des communes à part entière. Pourquoi n’aurions-nous pas des communes Chaudron/la Bretagne, Saint-Gilles/la Saline, Saint-Louis, La Rivière, Cambuston? Et pourquoi ne rajouterions-nous pas des communes comme Grand-Bois/Montvert, Sainte-Anne, la Plaine des Cafres ou Le Piton? Ces communes supplémentaires ne coûteraient rien de plus à l’Etat, et ne déséquilibreraient pas le schéma de coopération intercommunale en les obligeant à rester dans les EPCI actuels. Et cette orientation aurait surtout l’avantage de concerner toute l’île, et non pas seulement une seule commune isolée qui est Saint-Louis à qui il faut reconnaître le statut de précurseur.

La clarification des compétences. Il est clair que le Conseil Régional et le Conseil Général se doivent de sortir de ce statu quo qui freinent les actions par absence de visibilité claire, et par un trop plein de financements croisés. Cela peut se faire sans toucher aux prérogatives des communes ou des EPCI. Ainsi :

– les grands secteurs de l’aménagement du territoire seraient de la compétence exclusive de la Région (aménagement et aides économiques, transports publics de voyageurs et de marchandises, recherche, numérique, eau, agriculture, tourisme, aides aux EPCI sur les infrastructures portuaires et aéroportuaires…)

– les grands secteurs touchant au développement humain et au cadre de vie seraient de la compétence exclusive du Département (éducation, mobilité, social, culture, santé, gestion des déchets, espaces naturels sensibles et forêts…)

– les Chambres Consulaires et l’Université seraient compétentes en matière de formation professionnelle, permettant de mettre en adéquation les besoins de formation et la demande des entreprises, ainsi que la qualification des formations.

La gestion des emplois aidés. Tout un chacun souhaite sortir de la dictature de la pression des emplois aidés sur la gestion quotidienne. Casser ce sentiment que les collectivités sont les seules à recruter est une nécessité que chacun croit réussir en faisant semblant de confier le recrutement à Pôle emploi. La vraie rupture c’est :

– confier la gestion des emplois aidés à l’Etat seul, à travers Pôle emploi

– exclure les collectivités locales, ainsi que leurs établissements publics administratifs, de la liste des recruteurs et utilisateurs d’emplois aidés

– flécher les emplois aidés, quels qu’ils soient, vers le secteur privé marchand pour 2/3 et vers le secteur associatif ou parapublic (grands offices de tourisme, ONF, établissement public local d’enseignement) pour le 1/3 restant.

En conclusion, nul doute que de vraies évolutions structurelles sont nécessaires. Celles que je propose, qui ne sont point exhaustives et en appellent d’autres au niveau de l’action économique pure, seraient de nature à bouleverser nos pratiques. Il nous appartient donc, à nous acteurs locaux, de démontrer nos capacités de création et d’innovation autrement qu’en nous enfermant dans de stériles débats institutionnels.

 

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