Biodiversité et marchandisation de la nature

 

   

      Pavan Sukhdev

La dixième conférence de l’ONU sur la diversité biologique organisée en octobre dernier à Nagoya au Japon en a fait un sujet d’actualité, en réunissant les représentants des 193 pays, signataires de la convention sur la biodiversité biologique, adoptée au Sommet de la Terre, à Rio en 1992.

 

La biodiversité est la diversité naturelle des organismes vivants, qui s’apprécie en considérant la diversité des écosystèmes, des espèces et des populations et qu’elle est une composante essentielle du développement durable.

 

À l’occasion de cette conférence, l’économiste indien, Pavan Sukhdev a présenté les conclusions d’une étude sur «L’économie de la biodiversité et des services écosystémiques » qui lui avait été commandée par l’Union européenne en 2008, avec l’ambition de chiffrer, le coût que fait peser à terme, sur l’économie mondiale, l’absence de politique ambitieuse de protection de la biodiversité.

 

Le rapport présenté par Pavan Sukhdev est le fruit de trois années de travail du groupe qu’il a piloté et qu’il entend démontrer l’intérêt qu’il y a à évaluer ce que peut coûter la non préservation de la biodiversité.

 

Cette nouvelle approche peut ouvrir une nouvelle ère dans laquelle la valeur des services de la nature est rendue visible et devient une composante explicite du processus de décision dans le monde politique comme dans le monde des affaires.

  

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La valeur des services rendus par la nature

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Pour donner une idée des intérêts en cause, la commission Sukhdev estime à 23 500 milliards d’euros par an les services rendus par la nature, un montant énorme qui, bien entendu, reste à démontrer.

 

Cependant, elle n’établit pas une équation globale du prix de la nature susceptible d’être intégré en tant que tel dans les calculs économiques.

 

Dans le rapport, il s’agit généralement de valeurs d’usage, dans la mesure où le chiffre d’affaires de certains secteurs d’activité est directement lié à la biodiversité.

 

C’est le cas du tourisme et des activités qui y sont rattachées comme la pêche récréative et sportive qui, notamment aux Etats-Unis représente un million d’emplois, ou encore celui de l’industrie pharmaceutique pour ce qui est des médicaments issus de la biodiversité.

 

Un autre exemple évoqué est celui de l’intérêt économique des récifs coralliens, qui assurent, notamment à l’Etat d’Hawaï un revenu annuel de 360 millions de dollars, en provenance du tourisme et de la pêche.

 

De même, la valeur d’usage des récifs coralliens dans les territoires d’outre-mer français varie entre 5000 et 10 000 euros par an et par hectare.

 

Dans ces exemples, le rôle économique de la biodiversité apparait clairement et ne peut pas être mis en doute.

 

Le rapport dresse l’inventaire des sévices indispensables que nous rend la nature en termes d’approvisionnements dans le domaine de l’alimentation grâce, par exemple à la pollinisation, en estimant ce que coûterait la disparition des abeilles, un risque de plus en plus évoqué.

 

Rappelons qu’Albert Einstein estimé, il y a une cinquantaine d’années, que si les abeilles disparaissaient alors l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre.

 

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Attention à la marchandisation de la biodiversité

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La préservation de la biodiversité tient une place aussi importante, sinon plus importante encore, notamment dans le domaine de la régulation de la qualité de l’air, du stockage du CO2, de l’assainissement de l’eau et de la prévention de l’érosion des sols, ce qui la relie directement à la lutte contre le dérèglement climatique.

 

D’ailleurs, l’une des demandes de plusieurs pays du Sud est celle de la création d’un GIEC de la biodiversité, dans la cadre d’un protocole en gestation depuis plusieurs années.

 

En Europe, nous connaissons les aspects contentieux de la protection de la biodiversité, comme la condamnation de la France à une amende pour non-respect des normes européennes relatives aux filets de pêche et par la reconnaissance de la notion de préjudice écologique, lors du procès du naufrage de l’Erika.

 

La démarche de Pavan Sukhdev reste cependant controversée par une partie des écologistes qui redoutent cette « marchandisation » de la nature, en souhaitant que le débat sur la protection de la nature doive demeurer sur un terrain strictement éthique.

 

Ils répondent par la négative à la question de savoir s’il faut s’intéresser à la valeur des services rendus par les écosystèmes, en donnant un prix à la nature.

 

La conclusion du rapport qui recommande

« Avant de détruire la nature, réfléchissez à ce que vous allez perdre »

nous pousse à ajouter ceci :

« calculez le coût des mesures de substitution, si toutefois elles existent ».

                                                 

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