Outremers, politique nationale et UMP : quand l’agroalimentaire se sucre sur la santé !

 

   La proposition du député socialiste Victorin Lurel, président du conseil régional de Guadeloupe,  d’interdire au 1er janvier 2013 la vente outre-mer de produits alimentaires plus sucrés que ceux de marque similaire en métropole a suscité jeudi à l’Assemblée nationale l’opposition du gouvernement. 

 

Motifs : règlement de compte personnel et pression du secteur agroalimentaire antillais !

 

Ce texte  visant à la « régulation des teneurs en sucres dans les aliments en outremer » a été débattu jeudi 6 octobre mais il a été soumis au vote le mardi 11.

 

Lors de son examen par la commission des Affaires sociales, il avait été approuvé, les députés UMP s’étant partagés sur la question. 

  

Mais lors du vote solennel, la fracture s’est prononcée. 199 voix se sont prononcées contre, et 190 pour ce texte.

 

L’objectif de cette proposition de loi était pourtant de lutter indirectement contre l’obésité qui touche 25% des enfants en Guadeloupe et Martinique, contre 18% en métropole, selon une étude du cardiologue André Atallah. Avec des taux assez similaires pour La Réunion.

 

Pour les produits qui ne sont vendus qu’Outre-mer, la proposition prévoyait qu’un arrêté ministériel fixerait une teneur maximale en sucre.

 

Tout en reconnaissant que des facteurs sociaux et culturels expliquaient en partie cette différence, Victorin Lurel a mis aussi en cause les pratiques de l’industrie agro-alimentaire, en citant notamment l’exemple d’un même yaourt, qui contient 20 grammes de glucides dans sa région contre 15,8 en métropole.

  

L’UMP s’est élevé contre le texte, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, en tête.

 

Celui-ci, a estimé que si le texte de Victorin Lurel mettait en relief un vrai problème de santé publique et reposait « sur un bon diagnostic », la faisabilité de la mesure proposée était « improbable » et son « efficacité discutable ».

 

Il a jugé plus efficace de demander « des engagements » concrets (sic) aux fabricants.

 

Et de souligner que les interdictions proposées ne concerneraient pas les produits importés, alors que les Antilles sont dans la zone commerciale de l’Amérique du nord.

 

Selon lui, « les consommateurs se tourneraient alors vers les produits américains plus sucrés ».

 

Drôles de clivages !

 

Ce dernier point a divisé les élus ultramarins, qui constituaient la moitié de la dizaine de députés présents dans l’hémicycle, mais, selon une ligne de clivage paradoxale, certains élus de gauche et de droite se retrouvant parfois à front renversé.

 

Les députés socialistes, communistes, écologistes et du Parti de Gauche, ainsi que ceux du Nouveau Centre et 16 élus UMP (dont Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales et Yves Bur, rapporteur du budget de la Sécurité sociale ) ont voté pour ce texte.

 

La députée apparentée socialiste de Guadeloupe, Jeanny Marc, s’est faite l’écho de l’inquiétude suscitée par la proposition de loi car elle exclurait les produits importés.

 

À l’inverse, sa collègue UMP, également de Guadeloupe, Gabrielle Louis-Carabin, qui votera le texte, a rétorqué que les Antillais consommaient des produits hexagonaux et locaux et non importés.  René-Paul Victoria a aussi voté pour.

 

Edwige Antier, députée UMP et pédiatre, a aussi défendu le texte, qui contient un amendement voté à son initiative et prévoyant, en métropole comme en Outre-mer, d’apposer un logo « Alimentation infantile aux produits bien adaptés à l’alimentation des enfants de moins de trois ans ». 

 

Et le Nouveau Centre, par la voix de Philippe Folliot, a soutenu mardi la proposition de loi, en soulignant la nécessité de dépasser les clivages partisans sur un enjeu de santé publique.

 

La proposition bientôt au sénat

 

Victorin Lurel a d’ores et déjà annoncé qu’il confiera le dossier aux trois sénateurs guadeloupéens : Jacques Gillot, Félix Desplan et Jacques Cornano. 

 

« Cette loi n’est pas morte, bien au contraire. Les sénateurs, dans leur enceinte où ils sont majoritaires, pourraient faire passer cette belle loi » a précisé Victorin Lurel.

 

Et d’accueillir le résultat du vote par ce commentaire :

« Le destin de ce texte sur une problématique majeure de santé publique aurait certainement été tout autre si le gouvernement avait laissé la liberté de vote aux parlementaires au lieu de donner des consignes de vote ».

  

Commentaires

 

1°- À en croire le député Philippe Folliot :

 

« La France est une et indivisible donc les mêmes normes doivent s’appliquer dans l’Hexagone et en Outremer ».

Un peu juste comme argument : les normes sismiques doivent-elles être les mêmes à Pointe-à-Pitre et à Paris ?

  

Ou quand le « légitimisme » de certains est poussé jusqu’à l’extrême !

 

2°- Certains, outre-mer ou ailleurs, défendent l’égalité entre tous les territoires, en termes de revenus, de dépenses etc.

 

Mais pourquoi pas en terme de « qualité nutritionnelle » ?

  

3°- Pourquoi l’UMP a-t-il voté contre ce texte, et, d’après Lurel, sur consignes ?

 

Ces élus UMP ont-ils oublié que Sarkozy a fait de l’obésité « une cause nationale » ?

La teneur en sucre n’est pas la seule cause favorisant cette maladie.

 

Mais elle y contribue.

  

4°- Ne faut-il pas voir derrière cette mascarade de l’UMP (et d’une certaine partie de la gauche), un exemple d’acceptation des pressions exercées par le secteur de l’industrie agroalimentaire ?

 

Car le secteur agroalimentaire (de Martinique) a clairement expliqué que

« cette loi n’est pas fondée. (…) et ne constitue pas une solution adéquate au règlement du problème de l’obésité dans les territoires d’Outre-mer ». 

D’où la sortie d’arguments comme la peur de « la discrimination » de leurs produits et celui de voir « une distorsion de la concurrence ».

 

Alors, se retrancher derrière le fait que le mot « sucres » au pluriel est trop vague pour que ce soit efficace, cela relève d’un pitoyable exercice de sauvegarde des rentes de situation.

 

5°- Quant à la proposition de Xavier Bertrand, elle n’est pas sans rappeler celle des professionnels.

 

En effet, les industriels du secteur agroalimentaire demandent aux Parlementaires de ne pas voter cette proposition de loi et

« proposent comme alternative, une action contre l’obésité basée sur une concertation entre l’Etat et les organisations professionnelles concernées, visant à l’élaboration de chartes d’engagement volontaire de progrès nutritionnel aboutissant à une baisse progressive des apports caloriques des aliments fabriqués outre-mer ».

 

6°- Et surtout, ne faut-il pas voir derrière la position du gouvernement, la volonté de Marie-Luce Penchard de « casser » son éternel rival, Victorin Lurel, auteur de la proposition ?

 

Si tel devait être le cas – et il y a fort à parier qu’il y a une grande part de vrai dans cette assertion – cela revient à dire que la politique UMP, outrepassant le clientélisme dont elle se nourrit depuis des années, repose sur la « vengeance », le règlement de compte personnel.

  

Au mépris de l’intérêt général. Comme d’hab’ à l’UMP.

                                                                                                                                 

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3 Commentaires sur

Outremers, politique nationale et UMP : quand l’agroalimentaire se sucre sur la santé !

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    ML Penchard met en péril la santé des enfants de l’outre-mer, s’agenouille devant les « capitaines d’industrie » et dit vouloir défendre les ultramarins
    que du vent ! du bluff !
    c’est une attitude scandaleuse

  • SophieNo Gravatar |

    Il n’y a pas que l’obésité qui entre en ligne de compte, il y a aussi le diabète, particulièrement important dans notre département, où les boissons sont aussi plus sucrées que dans l’hexagone. D’un côté on mène des campagnes contre obésité et diabète, de l’autre on refuse de prendre des mesures élémentaires qui permettraient de lutter contre ces maladies.

  • Eliane T.No Gravatar |

    Est-ce qu’une étude a été faite sur les produits de La Réunion ? J’ai entendu dire que chez nous, le coca serait plus sucré qu’ailleurs. Je ne sais pas quoi en penser.

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